jeudi 30 avril 2009

LITTÉRATURE - Vingt Fragments d'une jeunesse vorace par Xiaolu Guo

Le Figaro, no. 20140 - Le Figaro Littéraire, jeudi, 30 avril 2009, p. LIT3

Comment une jeune paysanne montée à Pékin va tenter de faire carrière dans le cinéma.

XIAOLU GUO ressemble à Fenfang, l'héroïne de Vingt Fragments d'une jeunesse vorace. Née en 1973 dans un village de pêcheurs du sud de la Chine, elle est devenue réalisatrice de films et écrivain, et partage sa vie entre Pékin et Londres. Chacun de ses romans est un peu une borne sur son parcours, et elle glisse sans doute pas mal d'elle-même, de sa propre histoire, dans les caractères de ses personnages. Ainsi la jeune Fenfang, originaire d'un « bled paumé » comme il y en a encore des millions en Chine, noyé au milieu des champs de patates douces et qui n'a pas encore renoncé au communisme de base et à quelques préceptes du Grand Timonier : pauvreté, frugalité, suspicion. Mais « par le Grand Corniaud céleste », comme elle dit, cette vie-là n'est pas pour elle. Elle a d'autres ambitions : devenir une star, jouir de tout, tout de suite.

« Servir le peuple » plutôt que se goinfrer de McDo

Alors, elle « monte » à Pékin, la capitale, et, comme elle n'a guère de diplômes ni de compétences particulières (euphémisme), elle use de ses ressources naturelles : son charme, une vertu peu farouche, et d'étonnantes capacités d'adaptation. Le monde du cinéma semble fait pour elle. Et elle parviendra, même par la petite porte, à y travailler, même dans les coulisses. Gong Li ne s'est pas faite en un jour... Au passage, elle connaîtra la misère, les geôles de la police, la mort des hutongs, ces quartiers historiques rasés par les bulldozers de la Chine nouvelle.

Fenfang a du bagout, de l'énergie, une formidable envie de dévorer la vie, ce qui a été refusé à ses parents. Symbole d'une Chine déboussolée qui n'a connu, depuis soixante ans, que massacres, oppression et lavage de cerveaux, rançon d'une formidable expansion, la jeune fille a adopté de l'Occident ce qu'il a de pire et court vers le vide comme un canard sans tête. Cette jeunesse chinoise-là en viendrait presque à nous faire regretter les gardes rouges des années Mao qui, eux au moins, avaient un idéal : « servir le peuple » plutôt que se goinfrer de McDo. Un pays né dans la violence et qui n'a jamais connu la liberté ne peut que passer d'un extrême à l'autre.

Vingt Fragments d'une jeunesse vorace De Xiaolu Guo traduit de l'anglais (Chine) par Karine Lalechère Buchet-Chastel, 192 p., 17 eur.

Perrier, Jean-Claude

© 2009 Le Figaro. Tous droits réservés.

0 commentaires: