Le temps de l'humilité tactique est révolu. À Londres, tout le monde a pu voir la nouvelle confiance des maîtres de Pékin.
À LONDRES, d'un coup, le monde semble avoir découvert une réalité devenue évidence au fil des mois : la Chine est devenue puissance, et sa voix a changé. D'observateurs attentifs, les dirigeants de Pékin ont mué en acteurs de premier plan et décomplexés. Tous les participants du G20 garderont au moins cette révélation.
Le changement de posture, il est vrai, est spectaculaire. Et a frappé tout autant la presse chinoise. « Une voix plus forte », « une nouvelle confiance », les titres des éditoriaux sont explicites. Ici, on rappelle que Pékin a longtemps suivi l'approche du taoguang yanghui consistant à rester discret sur son potentiel. Deng Xiaoping recommandait de ne pas sortir la tête des rangs dans le grand jeu international. Là, on raconte que Jiang Zemin affectionnait un proverbe chinois disant de rester sage et tranquille pour bien s'enrichir. En clair, la Chine restait profil bas diplomatiquement en se concentrant sur son développement intérieur. Sans remonter aussi loin, il suffit de se souvenir de l'attitude effacée de Pékin lors du précédent G20 à Washington, en novembre.
« Nous n'avons de leçon à recevoir de personne »
Cette fois-ci, signe aussi d'une maîtrise croissante de la communication - et assez « sarkozystes » sur ce registre -, les dirigeants chinois ont bien compris que, pour marquer les esprits, il fallait aborder ces réunions internationales avec, en amont, des prises de position fortes. En se proposant d'enterrer le dollar, ils ont frappé fort. Dans le South China Morning Post, Wang Xiangwei estime que le signal envoyé dépasse le G20 et montre quel nouveau rôle entend jouer la Chine dans les « affaires multilatérales en général, qu'il s'agisse de diplomatie, d'économie ou de culture ». De fait, on observe depuis quelques mois un durcissement de la politique étrangère de Pékin. On l'a vu après le rapport du département d'État américain sur les droits de l'homme ou celui du Pentagone sur la « menace » militaire chinoise. Les réactions étaient sur le fond identiques aux années précédentes, mais le ton était nouveau, plus agacé, plus virulent. Avec une antienne : « Nous n'avons de leçons à recevoir de personne. » On l'a constaté aussi dans des prises de positions musclées, avec le Japon ou d'autres riverains des mers de Chine. Il y a bien sûr aussi la question du Tibet, sur laquelle Pékin a passé un cap. Hier encore, la Chine émettait des protestations courroucées, aujourd'hui elle entend fixer des règles du jeu international, comme le font depuis longtemps les États-Unis.
Cette petite révolution s'explique aussi par des raisons de politique intérieure. Sur le Tibet comme sur le FMI, il faut se montrer très ferme pour ne pas offrir prise aux « durs » d'un courant conservateur qui semble avoir pris du poids depuis la fin des JO. Un livre intitulé La Chine n'est pas contente fait ainsi beaucoup de bruit en ce moment en Chine. Ses auteurs estiment notamment que la Chine n'a d'autre voie devant elle que d'affirmer sa puissance et, s'il le faut, en se confrontant aux Occidentaux.
Cette affirmation chinoise sur la scène internationale, aussi légitime et inévitable soit-elle, risque cependant d'ôter un peu de souplesse à la diplomatie de Pékin. Selon les enceintes internationales ou les dossiers, Pékin savait très habilement jouer sur deux tableaux, endossant un jour le costume de grande puissance et le lendemain l'habit plus humble de pays émergent.
De La Grange, Arnaud
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