mardi 7 avril 2009

Pékin et Moscou bloquent la condamnation de la Corée du Nord à l'ONU

La Croix, no. 38329 - Explication, mardi, 7 avril 2009, p. 5

Après le tir d'une fusée, dimanche, par la Corée du Nord, les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon ont condamné Pyongyang et demandé aux Nations unies de nouvelles sanctions, mais la Chine et la Russie ont appelé à la modération afin de ne pas mettre en péril les négociations sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne

Quelle était la finalité du tir nord-coréen ?

Si la Corée du Nord a annoncé avoir lancé une fusée dimanche pour placer, selon elle, un satellite en orbite, les États-Unis et ses alliés asiatiques ont assimilé ce tir à un nouvel essai de missile à longue portée, capable de toucher les côtes américaines de l'Alaska, en violation de deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU adoptées en 2006. La Corée du Nord avait déjà fait fi de ces résolutions après 2006 en lançant des missiles et en pratiquant un essai nucléaire.

Cette fois, Pyongyang avait pris soin de qualifier ce tir de « lancement de satellite », mais l'armée américaine a démenti cette assertion, assurant que la Corée du Nord avait échoué à satelliser l'engin et que tous les étages s'étaient abîmés en mer. De son côté, la Russie a confirmé hier que la Corée du Nord n'avait pas mis de satellite en orbite. « Notre système de contrôle de l'espace n'a pas constaté de mise en orbite d'un satellite nord-coréen. Selon nos informations, il n'y est tout simplement pas », a indiqué à l'agence Interfax une source haut placée au sein de l'état-major.

Pourquoi les Nations unies n'arrivent-elles pas à se mettre d'accord sur des sanctions ?

Malgré trois heures de discussion, le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas pu s'accorder sur un texte. Si ce tir a provoqué un tollé international contre la Corée du Nord, le Conseil de sécurité est divisé entre partisans d'une ferme condamnation (les États-Unis et leurs alliés) et ceux qui comme, la Chine et la Russie, prônent la retenue, pour ne pas compromettre les pourparlers à six (les deux Corées, les États-Unis, la Russie, le Japon et la Chine) sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, à nouveau dans une impasse depuis décembre dernier. Trois pays, outre la Chine et la Russie qui disposent du droit de veto, ont argué du droit de tout pays à l'utilisation pacifique de l'espace : la Libye, l'Ouganda et le Vietnam.

« La Chine et la Russie demeurent traditionnellement réticentes à toute condamnation de la Corée du Nord, explique Valérie Niquet, directrice du centre Asie à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Cela montre bien l'ambiguïté de la Chine, grande nouvelle puissance, mais qui stratégiquement et politiquement refuse toujours de lâcher la Corée du Nord. Une façon de montrer que Pékin préfère conserver une Corée divisée plutôt que réunifiée, n'étant pas certaine, dans le cas d'une réunification, d'avoir un régime favorable à Pékin. »

Peut-on s'attendre à de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord ?

Les diplomates ont convenu de poursuivre leurs consultations dans les prochains jours, mais de nouvelles sanctions sont loin d'être acquises, la Chine et la Russie n'ayant jamais été en faveur de sanctions contre leur incontrôlable mais proche allié nord-coréen. Au mieux peut-on s'attendre à une meilleure application des sanctions déjà existantes mais, même dans ce cas, cela prendra du temps. Des sanctions bilatérales, notamment économiques, comme celles que le Japon et la Corée du Sud annoncent vouloir prendre dans les prochains jours, restent possibles.

« Les sanctions existent déjà, confirme Valérie Niquet, mais leur application demeure difficile, d'autant que la Chine soutient toujours économiquement la Corée du Nord. Cette dernière a tout simplement voulu tirer un sérieux coup de semonce en direction de la nouvelle administration Obama pour bien lui faire comprendre que le leader Kim Jong-il était bien vivant et aux manettes, avant de reprendre les négociations. »

MALOVIC Dorian

PHOTO - Liu Zhenmin(G), représentant permanent adjoint de la Chine à l'ONU discute avec Jorge Urbina (D), ambassadeur du Costa Rica flanqué d'un auxiliaire, le 6 avril 2009 / Getty Images

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