Les banques chinoises ont davantage prêté lors des quatre premiers mois de 2009 que pour... l'ensemble de l'année 2008. Une expansion du crédit qui soulève quelques interrogations autour des risques financiers liés au méga-plan de relance annoncé à l'automne 2008. Si les encours de crédit ont nettement ralenti au mois d'avril, ils atteignaient 4 600 milliards de yuans (487 milliards d'euros) rien que pour le premier trimestre 2009.
Cette très forte expansion, qui commence à préoccuper les autorités, est d'abord liée à la rapidité de mise en oeuvre du plan de relance : " C'est parti très vite. On sort de deux ans de politiques très restrictives, donc il y avait plein de projets en attente dans les provinces. De leur côté, les banques étaient auparavant soumises à des quotas. Comme ceux-ci ont été levés, elles se sont donc ruées sur ce qui était disponible et se sont retrouvées en concurrence sur les projets les meilleurs ", explique Pierre Mongrué, conseiller financier près la Mission économique à Pékin.
Selon David Dollar, directeur de la Banque mondiale à Pékin, moins de 10 % des investissements annoncés dans le cadre du plan de relance se sont orientés vers l'augmentation des capacités productives. Le reste concerne essentiellement des infrastructures : " Le réseau de chemin de fer à grande vitesse, les métros, la reconstruction du Sichuan, les usines de traitement des eaux, tout cela, ça n'augmente pas les surcapacités, c'est plutôt favorable, in fine, à la consommation ", souligne M. Dollar.
" Il faut bien avoir conscience qu'il y a eu un choc global extraordinaire, poursuit l'économiste américain. Dans ce contexte, on peut dire que le gouvernement chinois a bien réagi. Mais j'encouragerais à la prudence au niveau local, où on peut se retrouver avec des mauvais investissements. Ils ne peuvent pas continuer de prêter à ce rythme. "
Le différentiel entre les incitations nationales et la réalité locale n'est pas anecdotique. En réalité, moins de la moitié des 4 000 milliards de yuans d'investissements prévus sur deux ans sont financés par le gouvernement central. Celui-ci a déboursé sa part sur les projets qui le concernent, c'est-à-dire ceux qui ont une vocation nationale. Le reste doit être apporté par les provinces et les collectivités locales, qui n'en ont pas toujours les moyens.
Or on constate que plus de la moitié de l'encours de crédit du premier trimestre est allé à des prêts à court terme, dont près des deux tiers sous forme de billets de trésorerie émis par les entreprises, selon les statistiques de la Banque centrale chinoise.
" Les municipalités montent des sociétés ad hoc pour créer un projet, explique M. Mongrué. Celles-ci sont soumises à des critères assez stricts d'endettement. Mais comme l'argent manque, on utilise les billets de trésorerie comme fonds propres, ce qui permet d'obtenir des prêts à plus long terme qui vont rembourser les billets de trésorerie par exemple. Ça peut s'avérer problématique sur certains projets d'infrastructures qui ne sont pas toujours rentables. "
Pire, une partie de cet argent prêté à court terme a pu partir dans la spéculation, dans la Bourse ou l'immobilier, ou pour renflouer les trésoreries d'entreprises en difficulté.
" Dans tous les cas, on ne peut pas dire qu'il s'agit pour les banques de paris sûrs ", estime Patrick Chovanec, professeur à l'école de commerce de l'université Tsinghua à Pékin, dans une analyse de l'Asian Wall Street Journal consacrée aux nouveaux risques que fait courir au système bancaire chinois cette fuite en avant dans le crédit facile. Selon l'économiste, les autorités de régulation chinoises, qui se montrent pour l'instant relativement peu inquiètes, ont en outre fermé les yeux sur les mauvaises créances générées par le ralentissement de l'activité économique et des exportations.
Ce tournant intervient après que la Chine a pourtant réussi, au début des années 2000, à renflouer ses banques autrefois malades d'avoir tant prêté sur ordre du gouvernement : recapitalisées en partie grâce aux investissements étrangers et introduites dans les circuits financiers mondiaux (notamment en étant cotés à Hongkong), elles sont censées, ne serait-ce que dans l'intérêt d'une partie de leurs actionnaires, obéir davantage à une logique de marché.
La Chine nécessite " des banques qui allouent les capitaux de manière efficiente, dans le cadre d'un régime de régulation crédible. Avec un endettement public extrêmement faible, le gouvernement aurait pu emprunter les fonds nécessaires à la relance, pour les dépenser directement selon les besoins. A la place, il a lâché la bride aux banques. C'est un recul spectaculaire, et la Chine risque d'en payer le prix pour longtemps ", conclut l'économiste.
Brice Pedroletti
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1 commentaires:
Je suis d'accord avec votre article il y a de quoi s'inquiéter mais...les banques chinoises ont le mieux résister a la crise financière.
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