jeudi 14 mai 2009

La Chine bouscule le classement des grandes places boursières

Les Echos, no. 20424 - Marchés, jeudi, 14 mai 2009, p. 33

Pour la première fois de son histoire, la Bourse de Shanghai est passée devant celle de Londres, d'après la capitalisation boursière totale de sa cote. Une petite révolution qui confirme la percée des places asiatiques.

La City s'incline devant la rutilante capitale économique de la Chine. Pour le troisième mois consécutif, la capitalisation boursière de l'ensemble des sociétés cotées à Shanghai pèse plus lourd que celui de Londres. Les chiffres délivrés par le World Federation of Exchanges (WFE) sont sans appel. A la fin du mois d'avril, le Shanghai Stock Exchange (SSE) a affiché une capitalisation boursière totale de quelque 1.949 milliards de dollars, contre les 1.946 milliards annoncés par le London Stock Exchange (LSE). L'écart est mince, mais il était encore de 187 milliards de dollars au mois de mars. Le même mois, le SSE s'est même offert la quatrième place du classement mondial des opérateurs boursiers, devant la branche européenne de Nyse Euronext. « Il y a un vrai mouvement vers les marchés asiatiques, note Axel Pierron, senior vice-president chez Celent et spécialiste des marchés de capitaux. On l'a vu d'un point de vue économique ; on le voit aujourd'hui d'un point de vue boursier. »

Aucune société étrangère

L'avancée de Shanghai repose en particulier sur la forte activité que la place a connue ces derniers mois. La valeur des volumes échangés sur le SSE le prouve. Dès février, ils totalisent quelque 384 millions de dollars, soit pile trois fois le volume enregistré par Euronext et environ 80 % de plus que celui engrangé par le LSE sur la période. Shanghai reste toujours loin devant Londres en avril, avec une valeur totale des titres échangés près d'un tiers supérieure, à 440 millions de dollars. Le même mois, l'activité de la place chinoise a dépassé le Tokyo Stock Exchange (TSE), considéré comme l'un des trois grands centres financiers mondiaux avec Londres et New York.

« L'émergence de Shanghai est portée par la reprise de l'activité sur le front des matières premières, dans un pays qui en est l'un des principaux consommateurs, indique Axel Pierron. Les Bourses chinoises enregistrent certes une forte croissance de leurs volumes, mais leurs produits restent globalement assez simples, en raison d'une réglementation restrictive. La variété des instruments financiers est beaucoup plus réduite que celle des places américaines et européennes. » Ce n'est pas tout.

Trouver d'autres débouchés

La Bourse de Shanghai a encore à faire beaucoup de progrès avant de s'imposer comme référence mondiale. Nombre d'observateurs déplorent le manque de transparence de la place financière chinoise. Pis, les informations qui en émanent ne sont pas d'une fiabilité à toute épreuve. De quoi instiller la crainte parmi les étrangers qui souhaiteraient miser sur les plates-formes de la SSE. La cote de Shanghai l'illustre mieux que tout autre ce manque d'ouverture : elle ne compte aucune société étrangère.

Enfin, le SSE bénéficie encore de la piètre situation des marchés occidentaux. Bien que remarqué, le recul de Londres pourrait rester temporaire. D'autant que la place britannique dispose d'atouts structurels. « La City a un énorme avantage géographique, explique Axel Pierron. Elle est la seule place à disposer d'horaires d'ouverture communs avec l'ensemble des autres grandes Bourses mondiales. » L'essentiel de la bataille entre les places pourrait néanmoins se jouer ailleurs. L'effondrement des cours pousse les entreprises de marché à trouver d'autres débouchés, au premier rang desquels figurent les produits dérivés, et, plus encore, les dérivés de crédit. Ces instruments financiers complexes, accusés d'être à l'origine de la crise, sont visés par les autorités mondiales qui souhaitent un encadrement plus strict de leurs échanges. Un à un, les opérateurs boursiers essayent de se positionner sur ce marché. Dans ce domaine comme sur les questions de transparence, la page de Shanghai reste vierge.

MATHIEU ROSEMAIN

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