En moins de trois mois, Pékin a accordé, un peu partout dans le monde, 45 milliards de dollars de crédits en échange de livraisons, dans des conditions privilégiées, de gaz et de pétrole.
Après trois jours de visite officielle, une délégation brésilienne, emmenée par le président Luiz Inacio Lula da Silva, a quitté, mercredi, Pékin avec en poche un prêt de 10 milliards de dollars de la banque d'Etat chinoise China Development Bank (« Les Echos » du 19 mai). Le crédit, négocié depuis plusieurs mois par les deux capitales, va permettre au groupe brésilien Petrobras de financer une partie de son plan d'investissement quinquennal de 174 milliards de dollars et notamment le très coûteux développement de champs dans les bassins pétroliers de Santos et Campos. S'il sera remboursé sur dix ans en dollars, le prêt est garanti, sur la même durée, par la livraison annuelle de 200.000 barils de brut par jour au raffineur chinois Sinopec.
Au cours des trois derniers mois, la Chine a accordé une demi-douzaine de prêts similaires, pour un montant total de 45 milliards de dollars (lire ci-contre), qui assurent à ses grands groupes pétroliers un accès privilégié aux réserves de brut et de gaz dont la croissance du pays continue d'avoir besoin, malgré le ralentissement économique mondial. En février, la China Development Bank, qui subventionne la plupart des grands projets énergétiques du pouvoir central à l'étranger, avait déjà débloqué 25 milliards de dollars pour les russes Rosneft et Transneft, en échange de livraisons quotidiennes sur vingt ans de 300.000 barils de pétrole sibérien. D'autres prêts ont été montés par l'Export-Import Bank, l'autre grande banque « politique » du gouvernement, ou par les groupes pétroliers publiques eux-mêmes.
Si les capitales et les entreprises étrangères ont longtemps rechigné à recourir à ces soutiens chinois négociés âprement, elles se retrouvent pénalisées depuis l'été 2008 par la frilosité des établissements bancaires internationaux qui ont brutalement réduit leurs crédits et par les difficultés économiques de leurs gouvernements, qui rechignent désormais à financer les onéreux travaux de prospection de groupes pétroliers à un moment où le baril est retombé à 60 dollars le baril après avoir dépassé les 147 dollars en juillet dernier.
Pour trouver des liquidités et poursuivre leurs investissements, les géants de l'énergie n'ont plus d'autre choix que de se tourner vers Pékin, qui dispose encore de larges réserves de dollars accumulées grâce à ses surplus commerciaux. « C'est finalement une situation gagnant-gagnant. Ils ont besoin d'argent et nous de pétrole. Nos intérêts se rencontrent à un moment où le prix des matières premières est très bas », résume le professeur Guan Qingyou, de l'université Tsinghua de Pékin.
Pékin, qui a longtemps poussé ses entreprises d'Etat à privilégier la prise de contrôle direct de réserves de ressources ou de sociétés à l'étranger, a intégré que la négociation de prêts associés à la livraison de matières premières ou la multiplication de contrats de coopérations permettraient au pays de s'assurer un approvisionnement privilégié sur le long terme sans connaître les humiliantes rebuffades expérimentées dès 2005 aux Etats-Unis. Cette année-là, le géant d'Etat chinois Cnooc avait dû, sous la pression de parlementaires américains, abandonner son projet de rachat d'Unocal. Le mois dernier, Fu Chengyu, le PDG de Cnooc, reconnaissait d'ailleurs lui-même publiquement que son groupe et les autres géants du secteur pétrolier mais aussi minier avaient récemment « adapté » leur stratégie de développement. « Nous n'allons pas nous lancer dans l'acquisition de sociétés étrangères pendant la crise financière. A la place, nous allons chercher des partenaires qui ont besoin de faire des investissements et former des coentreprises avec eux », avait détaillé le PDG, en ligne avec les nouveaux ordres de bataille venus de Pékin.
YANN ROUSSEAU
Les principaux prêts
Russie. China Development Bank accorde le 17 février un prêt de 15 milliards de dollars au groupe russe Rosneft et 10 milliards de dollars à la société Transneft. En échange, la Chine recevra 300.000 barils de pétrole par jour pendant vingt ans.
Venezuela. Le vénézuélien PDVSA s'est engagé le 21 février à augmenter ses livraisons de brut à la Chine pour couvrir un prêt de 4 milliards de dollars de la China Development Bank à des établissements financiers vénézuéliens.
Angola. Le 13 mars dernier, l'Angola a confirmé qu'il avait reçu, en échange de livraison de brut, un nouveau prêt de 1 milliard de dollars de la Chine pour financer la construction d'infrastructures.
Kazakhstan. Le 17 avril, CNPC, le leader du secteur pétrolier chinois, prend, en échange d'un prêt de 5 milliards de dollars, le contrôle, avec un groupe kazakh, de la société MangistauMunaiGas et s'assure un accès prioritaire à ses futures productions de gaz et de pétrole.
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