En 1971, Taipei cédait son siège à Pékin. L'île revient en tant qu'observateur
Dans les couloirs de l'Assemblée générale de l'OMS, à l'ombre de la menace du virus A(H1N1), s'est tournée lundi une page d'histoire. Trente-huit ans après avoir dû céder son siège à Pékin, l'île de Taïwan était à nouveau accueillie dans l'enceinte d'une organisation spécialisée de l'ONU. Non pas aux côtés des 193 Etats membres, mais en tant qu'observateur, au même titre que l'Ordre de Malte ou la Croix-Rouge.
La treizième tentative aura été la bonne. Pendant douze ans, en effet, la Chine avait imposé son veto. Le ministre taïwanais de la Santé, Yeh Ching-chuan, a salué cette percée de portée «historique» qui devrait «bénéficier à la santé des 23 millions de Taïwanais et de la population du monde entier». Pourquoi Pékin lâche-t-il soudain du lest alors que durant des années il faisait la sourde oreille malgré le soutien à Taipei de nombreux pays, dont l'Union européenne?
Du côté des services de Margaret Chan, la directrice de l'OMS d'origine de Hongkong, on explique que les deux parties se sont mises d'accord sans l'intervention de l'organisation. Deux facteurs ont été décisifs. D'abord, le réchauffement des relations entre les deux rives du détroit de Taïwan depuis l'élection, il y a un an, du président Ma Ying-jeou, issu des rangs du Kuomintang favorable à un rapprochement avec Pékin. La menace de pandémie du virus A(H1N1) a ensuite forcé la main aux autorités chinoises. Un nouveau refus, comme lors de la crise du SRAS ou de la grippe aviaire, aurait été très mal perçu à l'heure d'une mobilisation internationale sans précédent.
Ce retour n'est pas sans faire des vagues dans l'île. Dimanche soir, à Taipei, des milliers de manifestants ont dénoncé un gouvernement qui se «vend» à la Chine. Des étudiants taïwanais ont pour leur part chahuté le même soir à Genève une réception organisée par le ministre taïwanais de la Santé, ainsi que, le lendemain, le discours de Margaret Chan. Ils accusent le pouvoir d'avoir accepté le diktat de Pékin qui a imposé, au lieu du nom officiel de l'île (République de Chine), l'appellation «Taipei chinois». Sur son badge, Yeh Ching-chuan ne porte pas le titre de ministre mais de simple docteur.
Ce dernier rétorque que 93% des Taïwanais sont favorables à une participation à l'OMS. Rien ne garantit toutefois à ce stade que l'île sera à nouveau invitée l'an prochain. Mais elle a déjà promis une aide de 5 millions de dollars - renouvelable tous les ans - et espère, comme prochaine étape, un nouveau strapontin au Bureau international du travail.
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