Pékin vient de restreindre les exportations de néodyme, un minerai indispensable aux éoliennes et aux moteurs hybrides.
La Chine risque-t-elle de stopper net le développement de certaines énergies vertes ? Pékin a annoncé en début de semaine sa volonté de limiter un peu plus la production de « minerais de terres rares » pour la réserver presque exclusivement à la demande intérieure, et de créer une réserve stratégique en Mongolie intérieure. Les quelques entreprises encore autorisées à exporter doivent acquitter de lourdes taxes.
Parmi ces minerais figure le néodyme, un aimant 10 fois plus puissant que la ferrite, bien connu des magiciens pour leurs tours de passe-passe. Mais surtout, le néodyme est indispensable pour générer de l'électricité par les éoliennes ou pour fabriquer des moteurs hybrides de voitures.
Or la Chine, championne du monde des matières premières, assure plus de 90 % de la production mondiale de néodyme. Personne ne peut rivaliser avec elle. « Le néodyme existe partout dans le monde, précise Nicolas Donjon, président d'Arelec, premier importateur français d'aimants, mais ce pays présente des coûts d'extraction imbattables. Les Chinois sont aujourd'hui devenus les maîtres du jeu. » La tolérance de méthodes d'extraction très polluantes explique aussi cette domination.
Cette domination n'a pas empêché la Chine de souffrir récemment d'un ralentissement de la demande, crise mondiale oblige. D'où sa récente décision, qui n'a d'autre but que de faire remonter les cours. Objectif atteint : sa valeur est remontée à 20 dollars le kilo. Du coup, l'une des principales sociétés chinoises d'extraction, la Baotou Steel Rare-Earth, fournisseur d'Apple ou de Toyota - pour ses véhicules hybrides Prius - a immédiatement gagné 3 %. C'est devenu l'une des valeurs vedette de la Bourse de Shanghaï. Cependant le cours du néodyme est loin de son âge d'or : le kilo s'échangeait en 2007 à 60 dollars alors qu'à la fin des années 1990, il n'en valait que 10.
Dépendance accrue
La dépendance de l'industrie mondiale au néodyme (70 millions d'euros de chiffre d'affaires en Europe) ne cesse de s'accroître. « La plupart des industries utilisent ce métal méconnu, découvert au milieu des années 1980 », explique Julien Combres de CT-Magnet, autre entreprise spécialisée dans le commerce des aimants, installée à Pau.
Ces aimants ultrapuissants sont partout. Ils sont nécessaires au fonctionnement des casques stéréo, des ordinateurs, ou encore aux nouveaux appareils électroménagers surpuissants. Mais aussi dans l'emballage, en librairie, dans l'industrie automobile. Dans dix ans, la demande mondiale devrait atteindre plus de 200 000 tonnes contre 120 000 tonnes en 2009. Des experts estiment que la mainmise de la Chine sur l'un des éléments clés des énergies renouvelables peut constituer à terme un risque réel. « Si nous n'y prenons pas garde, explique Irving Mintzner, responsable du fonds américain spécialisé dans les énergies alternatives Potomac Energy Fund, nous risquons d'échanger les inconvénients de notre dépendance au pétrole du Moyen-Orient contre les inconvénients dus à une autre dépendance, celle au néodyme chinois. »
PHOTO - En Chine, un travailleur examine les circuits de lampes solaires / Getty Images
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