La dissidente ouïgoure Rebiya Kadeer (PHOTO) veut dialoguer avec Pékin. Auditionnant hier à Bruxelles Rebiya Kadeer, leader musulmane ouïgoure en exil, les députés européens ont demandé une enquête internationale sur les violences commises à Urumqi le 5 juillet dernier.
«Pourquoi le Parlement européen invite-t-il une criminelle ? », s'interroge un journaliste chinois venu assister à l'audition, hier matin à Bruxelles, de Rebiya Kadeer, présidente du Forum mondial ouïgour. « Cette femme est responsable des émeutes de juillet dernier à Urumqi, dans le Xinjiang. C'est une séparatiste et une terroriste. Le gouvernement chinois en a les preuves », poursuit-il. Loin de reprendre ces accusations, les députés européens de la sous-commission des droits de l'homme ont échangé directement pendant une heure et demie avec celle qui se place volontiers au même rang sur la question ouïgoure que le dalaï-lama sur le Tibet. « Il est temps que le gouvernement chinois s'assoie et parle avec moi, Sa Sainteté le dalaï-lama et tous les leaders des communautés chinoises non-Han », leur a-t-elle déclaré. « L'Union européenne peut faire pression sur les autorités chinoises pour qu'ait lieu une enquête internationale réellement indépendante sur le nombre de personnes mortes, blessées et arrêtées à Urumqi », a-t elle ajouté, au terme d'une charge détaillée contre le gouvernement chinois et son « génocide culturel du peuple ouïgour ».
Avec actuellement un grand portrait d'Aung San Suu Kyi sur sa façade d'entrée, le Parlement européen se fait traditionnellement l'écho des grands combats pour les droits de l'homme. En attribuant l'an dernier le prix Sakharov au dissident chinois Hu Jia, en recevant le dalaï-lama en séance plénière, il irrite régulièrement Pékin. Et la sous-commission aux droits de l'homme, dont les Verts européens ont gardé la présidence pour la nouvelle législature, sert de première caisse de résonance à ces prises de position non feutrées.
Tout en exprimant leur solidarité avec la cause ouïgoure, les euro députés ont maintenu une certaine distance vis-à-vis de Rebiya Kadeer. Deux conservateurs britanniques l'ont même accusée de se présenter à tort comme une victime de la répression chinoise, alors qu'elle est « l'une des femmes les plus riches de Chine » et a pu avoir onze enfants dans un pays ayant pratiqué une sévère politique dite de « l'enfant unique ». L'ancienne femme d'affaires n'a pas nié ces affirmations. Elle s'est en revanche vivement défendue d'entretenir un lien avec le réseau Al-Qaida comme le disent certains.
Surtout, la dissidente ouïgoure n'aura pas répondu avec précision aux questions des eurodéputés sur le rôle de la minorité chrétienne ouïgoure, sur la finalité de son combat ou sur les exactions commises en juillet. Elle les a décrites à travers les appels téléphoniques reçus par son organisation et la couverture des événements par la presse occidentale, citant Reuters, The Guardian ou le Financial Times.
« Il n'y a aucune proposition pour sortir de cette impasse dans votre déclaration », s'est étonnée au final une élue. Les eurodéputés appuient en revanche la demande de Rebiya Kadeer pour une enquête indépendante sur les violences du 5 juillet dernier et pour une plus grande liberté religieuse en Chine. Comme l'a déclaré la dissidente, « si la liberté religieuse était respectée, les événements du 5 juillet n'auraient pas eu lieu ».
Au moment où avait lieu son intervention à Bruxelles, les autorités chinoises du Xinjiang, région du nord-ouest de la Chine, démentaient que les procès de plus de 200 personnes, pour leur participation présumée aux troubles ethniques meurtriers de juillet dernier, allaient débuter cette semaine. Le China Daily avait indiqué lundi que les émeutiers allaient commencer à être jugés cette semaine au tribunal d'Urumqi, la capitale de cette région à majorité musulmane, où avaient débuté les violences le 5 juillet.
« Pour le moment, il n'y a aucune date prévue pour le procès », a déclaré à l'Agence France-Presse Li Hua, un responsable du gouvernement du Xinjiang. Au moins 197 personnes sont mortes durant les troubles, en grande partie des membres de l'ethnie Han attaqués par des Ouïgours, l'ethnie majoritaire au Xinjiang, turcophone et musulmane. Les Han représentent le groupe ethnique prédominant en Chine. Li Hua a également démenti que le nombre de personnes jugées dépasse les 200, comme l'a affirmé lundi le China Daily. Ce chiffre de 200, avancé par le journal, est beaucoup plus élevé que celui de 83 personnes officiellement arrêtées donné jusqu'à présent par les autorités.
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