Encore une fois, tout tient dans une maxime chinoise. « La Chine a bu du poison pour apaiser sa soif », a lancé, hier, à l'issue d'un virulent débat organisé au World Economic Forum de Dalian, Xu Xiaonian, l'un des rares économistes chinois qui, depuis quelques semaines, ose publiquement critiquer la stratégie de relance mise en ? oeuvre par Pékin depuis la fin 2008. Le professeur d'économie de la China Europe International Business School a rejoint au cours de l'été les rangs des nombreux experts étrangers s'inquiétant des débordements du plan de relance du pouvoir communiste qui, pour générer une croissance annuelle de 8 % et maintenir la paix sociale, a déroulé un programme de dépenses publiques de 4.000 milliards de yuans (402 milliards d'euros) sur 24 mois et ordonné aux banques d'Etat de prêter sans aucune restriction. « On ne peut pas parler de véritable rebond. Le gouvernement a seulement brûlé de l'argent comme un fou », s'emporte le chercheur.
Les analystes pointent « l'inquiétant » déséquilibre de la croissance chinoise. « La consommation ne représente plus que 35 % du produit intérieur brut quand les investissements en représentent 45 %. Jamais, un tel écart n'a été vu dans un grand pays », résume Stephen Roach, le président de Morgan Stanley en Asie. « 88 % des 7,1 % de croissance du premier semestre sont le fait des investissements en capital fixe. C'est intenable. »Les grands chantiers routiers, ferroviaires ou aéroportuaires, financés par les collectivités et les subventions publiques ont permis d'employer une partie des ouvriers ayant perdu, un peu plus tôt leur emploi dans les entreprises tournées vers l'export, reconnaissent les économistes. Mais ils auraient surtout alimenté la dangereuse surcapacité de certaines industries et pourraient s'avérer totalement improductifs. « Nous avons calculé que la construction d'un kilomètre d'autoroute coûte 100 millions de yuans mais ne rapporte que 10.000 yuans par an. Qui va payer la différence et rembourser les prêts bancaires qui ont permis sa construction ? » s'interroge Xu Xiaonian, qui regrette la timidité des mesures d'encouragement à la consommation, « ce dont le pays a le plus besoin », selon Stephen Roach qui rappelle que le taux d'épargne des ménages mettant de côté pour compenser l'absence quasi totale dans le pays de couverture médicale ou de plan de retraite, a bondi de 27 % en 2000 à 37 % en 2008.
Tester un système de retraite
Visiblement agacé par ces critiques, le Premier ministre chinois, Wen Jiabao (PHOTO), intervenu en fin de journée à Dalian, s'en est pris aux observateurs à « la vue simpliste » qui n'auraient pas compris la philosophie de son plan de relance. « Il veut répondre à la fois aux problèmes de court terme et de long terme », a martelé le responsable qui n'entend aucunement modifier ses politiques monétaire et économique dans les prochains mois. Tant que « la reprise de l'économie chinoise n'est toujours pas stable, solide et équilibrée ».
Aux économistes dubitatifs, le Premier ministre a assuré que la priorité du pouvoir était l'amélioration du niveau de vie de la population et l'encouragement à la consommation intérieure. Il a rappelé que l'Etat avait déjà augmenté les salaires des instituteurs, offert des bons d'achat à la campagne pour les foyers voulant s'équiper en électroménager, initié un système de couverture médicale minimum et prévoyait désormais de tester un système de retraite dans les campagnes. Mercredi le gouvernement a annoncé que 10 % des 153 millions de ruraux âgés de plus de 60 ans pourraient bientôt espérer toucher jusqu'à 55 yuans par mois, soit 5,53 euros.
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