(Pékin) - Après avoir été ébranlée par la tourmente de la crise financière internationale, l'économie chinoise a récemment montré les premiers signes d'une embellie. Bien que la demande extérieure continue de fléchir, grâce à l'impulsion donnée par les politiques financière et monétaire, l'investissement est remonté en flèche et la consommation domestique augmente régulièrement. L'économie a donc déjà amorcé son redressement. Les plus optimistes vont même jusqu'à prédire que le taux de croissance chinois pourrait dépasser 10 % l'année prochaine !
Pourtant, si l'orage est passé, le temps n'est pas encore au beau fixe. Car, jusqu'à présent, l'amélioration des performances macroéconomiques repose essentiellement sur la croissance rapide du crédit monétaire ainsi que sur l'investissement coordonné par l'Etat. Le recours continu à ces deux méthodes pourrait nourrir une bulle sur le prix des capitaux, accroître le risque financier et aggraver les distorsions économiques, au détriment d'un développement stable de l'économie.
Pour faire face à cette crise financière, la Chine s'est, dans une première phase, reposée entièrement sur son contingent d'entreprises nationales; elle a rapidement renforcé l'investissement, stabilisé l'économie et consolidé la confiance populaire. Résultat : la première bataille est gagnée et la situation économique tend à se stabiliser. Aussi, renforcer la croissance et encourager une reprise durable sont devenus les deux objectifs prioritaires. Et pour y parvenir, il faut qu'au-delà des entreprises d'Etat, on recoure davantage aux forces vives du capital privé.
Celui-ci est devenu au fil du temps l'une des forces majeures de l'économie chinoise. Mais c'est surtout au cours des dix dernières années que cette dernière a connu un véritable boom. Entre 1998 et 2006, la part du privé dans les investissements en capital fixe est passée de 46 % à 70 % ; et sa part dans la valeur ajoutée industrielle est passée de 43 % à 64 %. Le développement de l'économie privée est donc indissociable de la conjoncture économique chinoise dans son ensemble.
La part des capitaux publics s'est mise à augmenter
Pourtant, le développement de cette économie privée fait face à de nombreuses contraintes : tout d'abord, son accès au marché est limité. De nos jours encore, certaines branches des services et des industries de base lui restent totalement fermées. Prenons par exemple les ressources naturelles : le capital privé peut entrer dans l'exploitation des mines de charbon, mais pas dans celle du pétrole et du gaz naturel. De même, dans le domaine de la santé, il peut participer à la création d'un petit cabinet dentaire ou d'une maternité, mais pas à celle d'un hôpital général. Dans l'éducation également, le nombre des universités privées est limité. Dans les télécommunications, il n'existe en Chine que trois opérateurs, appartenant tous à l'Etat, et entre lesquels la concurrence n'est pas significative. Enfin, dans la très grande majorité des villes, les transports publics, dont le métro, sont tous financés par des fonds publics...
Au cours de ces dernières années, les barrières bloquant le recours au capital privé non seulement n'ont pas diminué, mais ont au contraire eu tendance à augmenter. Dans certains secteurs, où le capital public reculait au profit du privé, on a même vu la tendance s'inverser. Sous l'impulsion des investissements récemment décidés par l'Etat, la part de l'investissement de l'Etat et des entreprises publiques a augmenté, et la proportion du capital privé a diminué en conséquence.
Réduire les limitations qui brident l'économie privée et élargir son champ d'action, telle est l'urgence pour consolider les acquis de cette crise financière. Dans la mesure où l'entreprise privée a une rentabilité économique et une capacité de résistance aux tourmentes assez élevées, le développement de l'économie privée est favorable à la durabilité de la croissance. Aujourd'hui, en ouvrant au privé un plus grand nombre de services et d'industries de base, on devrait obtenir un effet d'entraînement de ce capital sur l'économie au moins aussi important que ces dix dernières années. Selon nos estimations, la part d'investissement en biens immobilisés dans les secteurs toujours contrôlés de l'économie [qui ne sont pas ouverts au capital privé] est équivalente à celle réalisée dans l'immobilier ; quant à la valeur de la production industrielle de ces secteurs, elle est bien supérieure à celle de l'immobilier. En outre, le capital privé est souvent bien mieux géré que le public, et il est donc légitime de penser que l'ouverture de ces secteurs aurait un effet d'entraînement comparable à celui des industries d'exportation et de l'immobilier.
Mais cette limitation de l'accès au marché n'est qu'une contrainte parmi tant d'autres. Si l'on veut encourager efficacement une progression rapide de l'investissement privé, un plan d'ensemble est nécessaire.
Le financement du ferroviaire pourrait donner l'exemple
Prenons l'exemple de l'industrie ferroviaire. Actuellement, les investissements réalisés dans le réseau ferré chinois proviennent essentiellement de l'Etat, notamment via l'endettement du ministère des Chemins de fer. Non seulement cela restreint le développement de ce réseau, mais le risque lié à la dette est chaque jour plus manifeste. Afin de remédier à cette situation défavorable, le gouvernement se doit de prendre des mesures.
Premièrement, il faut parvenir progressivement à une "marketisation" du prix des transports ferroviaires, afin que le capital investi dans le réseau dégage des profits raisonnables. Ensuite, il faut des appels d'offres publics sur certains projets prometteurs tels que le transport de passagers ou de charbon, ou le transport interurbain, et laisser les agents principaux du marché investir dans leur réalisation. Enfin, il convient d'élargir les sources de financement, en envisageant par exemple la création d'un fonds d'investissement de l'industrie ferroviaire.
Si ces mesures sont menées à bien, et si l'ouverture au privé est vraiment lancée, entre le second semestre de cette année et l'année prochaine, l'économie chinoise pourrait ne plus être entièrement tributaire de l'investissement public. Une baisse de la proportion des investissements publics au profit d'une reprise de l'investissement privé pourrait à l'avenir rendre la croissance chinoise plus équilibrée et plus durable.
* Economiste en chef de la China International Capital Corporation (CICC). Deux autres collaborateurs de la CICC, Xing Ziqiang et Ju Juan, ont contribué à cet article.
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