jeudi 3 septembre 2009

Les entreprises européennes souffrent de la poussée des politiques discriminatoires en Chine - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20501 - International, jeudi, 3 septembre 2009, p. 07

La Chambre de commerce européenne en Chine vient de lister toutes les doléances des groupes étrangers installés dans le pays. Avec la crise, Pékin aurait multiplié les interventions pour favoriser ses groupes domestiques.

Pendant plusieurs années, un groupe informatique européen a dominé le marché chinois des solutions de cryptage et enchaîné les contrats avec les géants locaux de la banque, des télécommunications et du transport. Depuis quelques mois, son développement est brutalement remis en question car Pékin vient d'exiger des entreprises chinoises qu'elles n'utilisent plus désormais que des produits mis au point par des sociétés certifiées par l'opaque Oscca - l'administration contrôlant les activités de cryptage dans le pays -, qui, n'a jusqu'ici jamais accordé la ­moindre certification à un groupe étranger.« Le gouvernement commence à intervenir de plus en plus et amène des restrictions d'accès au marché chinois », s'est emporté Joerg Wuttke, le président de la Chambre de commerce européenne en Chine, qui présentait, hier, dans un rapport de 500 pages, la longue liste de doléances des entreprises de l'Union installées dans le pays.

Si les sociétés étrangères reconnaissent qu'elles ont récemment profité de la levée de certaines barrières commerciales, notamment dans le secteur bancaire (ouverture d'une partie du marché obligataire) et de l'application de plusieurs lois, elles regrettent le maintien d'une multitude de réglementations limitant leur développement sur le marché local (systèmes de quotas, imposition de partenaires locaux_) ainsi que la mise en place plus récente de nouvelles pratiques commerciales discriminatoires.

Manque de transparence

Après avoir espéré profiter massivement du plan de relance de 4.000 milliards de yuans, déroulé depuis la fin de 2008, par Pékin, beaucoup d'industriels ont ainsi déchanté ces derniers mois. Les leaders mondiaux de la fabrication d'éoliennes ont été, par exemple, systématiquement exclus de tous les récents projets nationaux. « Ils avaient pourtant accepté d'installer leurs usines en Chine et de s'approvisionner localement », a regretté Joerg Wuttke. Lorsqu'ils ne sont pas exclus d'emblée des appels d'offres, les groupes étrangers peuvent souffrir du manque de transparence des procédures et de l'application « souple » de certaines lois. Les administrations ont ainsi tendance à se montrer plus laxistes avec leurs compatriotes sur les réglementations sociales et environnementales. « C'est un problème car les coûts ne sont alors plus les mêmes », a insisté le président de la Chambre de commerce, qui tente de persuader Pékin de poursuivre l'ouverture de son marché amorcée depuis son entrée à l'OMC. « C'est un élément clef pour le développement économique de long terme de la Chine », a argumenté l'homme d'affaires, qui cherche également à persuader les autorités européennes de se montrer plus vigilantes sur ces différends commerciaux.

Les pays européens auraient les moyens de faire entendre leur mécontentement. L'an dernier, leurs exportations vers la Chine ont représenté seulement 0,7 % du PIB de l'Union, quand, dans un même temps, les exportations de produits « made in China » représentaient 7 % du PIB chinois.

Liste des reproches : quelques exemples

La Chambre de commerce européenne en Chine liste de nombreux pièges dans la réglementation chinoise :-Secteur automobile : les constructeurs étrangers doivent toujours créer un partenariat à 50-50 avec un partenaire local et implanter sur place au moins deux usines, alors que les constructeurs chinois ne sont pas soumis à de telles contraintes à l'étranger.-Secteur des marchés publics : l'ouverture à la concurrence étrangère est loin d'être la règle. Ainsi, quatre sociétés spécialisées dans l'éolien ont voulu faire une offre pour un projet de 25 milliards d'euros concernant 25 sites. Elle a été repoussée au premier tour de l'appel d'offres.-Presque sept ans après l'adhésion de la Chine à l'OMC, aucun progrès n'a été fait en vue d'ouvrir le marché du « Computer Reservation Systems » , ces systèmes informatisés qui permettent de réserver billets de train ou d'avion.-Lorsque les règles changent , il est d'usage d'organiser une consultation publique afin de recueillir les remarques des sociétés concernées. En Chine, le temps de consultation est insuffisant puisqu'il s'est élevé en 2008 à 24 jours. Mais il s'agit d'un progrès puisque, en 2007, le délai n'était que de 21 jours.-La législation environnementale est appliquée avec bien plus de rigueur aux sociétés étrangères qu'aux sociétés nationales, ce qui constitue une subvention déguisée aux sociétés locales souvent très polluantes.

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