Le Figaro, no. 20284 - Le Figaro, samedi, 17 octobre 2009, p. 19
«J'ai voulu changer le monde mais je n'ai pas réussi », aurait confié Mao à Richard Nixon en 1972. Aujourd'hui, forte du succès de son économie capitaliste, la République populaire a plus de poids et d'influence que le Grand Timonier n'eût jamais pu l'imaginer. En devenant la seconde économie de la planète, la Chine serait-elle en passe de transformer le monde ?
En Chine, la question suscite la plus grande prudence. « Non. À la différence d'autres civilisations, nous n'avons jamais eu l'ambition de dominer le monde. Si la Chine a longtemps été appelée l'empire du Milieu c'est bien parce qu'elle n'éprouvait pas le besoin d'aller chercher ailleurs ce qu'elle trouvait en elle. » Voilà la réponse officielle.
Certes, mais la crise financière a donné un singulier coup d'accélérateur à l'« émergence harmonieuse » de la Chine en tant que puissance mondiale. Son économie résiste beaucoup mieux que les autres, son avis est sollicité dans les nouvelles enceintes de la gouvernance mondiale comme le G20.
Sur le plan économique, la volonté chinoise de « changer le monde » commence à prendre corps. Cela passe par un renforcement du FMI et du poids de la Chine dans l'organisation, comme par une plus grande intégration économique en Asie orientale. Préparer la transition vers un système où le dollar ne sera plus aussi dominant est une priorité.
Pour Ding Yifan, directeur adjoint de l'Institut du développement mondial, un laboratoire d'idées proche du gouvernement chinois, « ce qu'il faudrait c'est un euro élargi ». « Les Européens ne se rendent pas compte que la monnaie unique est un grand succès que l'on pourrait imiter », ajoute-t-il, tout en déplorant l'absence au niveau européen de l'équivalent des bons du Trésor américains, ce qui permettrait à la Chine de diversifier ses avoirs à l'étranger.
Dès que l'on quitte le domaine strictement économique, la volonté de transformation de l'empire du Milieu se fait plus timide. « Nous avons une approche graduelle. Il ne s'agit pas de changer le système mais de le réformer », explique Ding Yifan. Amenée à étendre ses intérêts en Afrique et ailleurs pour s'assurer les matières premières et l'énergie dont elle a besoin, la Chine est invitée par les Occidentaux à adopter l'attitude d'un « partenaire responsable ».
Mais l'actualité récente, avec la signature d'un contrat d'approvisionnement de 7 milliards de dollars en Guinée, moins de deux semaines après un coup d'État militaire dénoncé par la communauté internationale, montre que Pékin se préoccupe d'abord de ses intérêts immédiats. Même chose pour le dossier iranien, où l'objectif est de ménager un important fournisseur de pétrole.
« La Chine n'est prête à assumer de nouvelles responsabilités que de façon sélective », explique Yan Xuetong, directeur de l'Institut des relations internationales de l'université Tsinghua. Dans l'appel au multilatéralisme de Barack Obama, il décèle, en fait, « un unilatéralisme caché ». « Il est hors de question pour la Chine de combler le vide que laisseraient les États-Unis. »
Entre la Chine et le monde extérieur, l'interdépendance est devenue complexe. Pour Pang Zhongying, professeur de relations internationales à l'Université du peuple, la crise financière a montré les limites du modèle de développement fondé sur les exportations, à l'image de celui du Japon et de la Corée du Sud. La prise de conscience de la dégradation de l'environnement est le signe qu'il faut changer de modèle.
« Quel sera l'effet en retour sur le monde extérieur d'une Chine plus centrée sur son développement interne ?, s'interroge Pang Zhongying. C'est la question des prochaines décennies. »
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