mardi 20 octobre 2009

La Chine cultive l'ambiguïté sur le dossier nucléaire iranien - Bruno Philip

Le Monde - International, mardi, 20 octobre 2009, p. 6

Tout en restant opposée par principe à des sanctions contre Téhéran, la Chine cherche aujourd'hui à apparaître comme un acteur responsable au cours des négociations multilatérales qui visent à empêcher que l'Iran se dote d'une bombe atomique : Pékin continue de soutenir le régime iranien pour des raisons liées à ses besoins énergétiques, mais ne veut pas non plus s'aliéner Washington. Ce double jeu ne cesse d'inquiéter les Etats-Unis, pour lesquels la Chine est encore moins soucieuse que la Russie de faire pression sur Téhéran.

A la veille des discussions de Genève, le 1er octobre, entre la Russie, la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Chine plus l'Allemagne (le groupe dit des 5 + 1) et l'Iran, Pékin avait réitéré clairement son opposition aux sanctions. Le 15 octobre, après s'être entretenu à Pékin avec le premier vice-président iranien, Mohammed Reza Rahimi, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, a déclaré que " la Chine continuera à jouer un rôle constructif pour promouvoir une résolution de la question nucléaire iranienne ".

Après la dernière série d'essais de missiles iraniens et l'annonce par Téhéran de la construction d'une nouvelle usine d'enrichissement d'uranium près de la ville sainte de Qom, la diplomatie chinoise avait réagi dans son style inimitable, le 29 septembre : " Nous espérons que les pays concernés puissent faire plus pour contribuer à améliorer la situation, cela afin de résoudre le problème plutôt que de ne pas le faire ", avait déclaré la porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Jiang Yu.

Contrats pétroliers

Une certitude au-delà de cet obscur jargon : Pékin a deux raisons de s'opposer aux sanctions contre Téhéran. D'abord, parce que l'Iran est un partenaire économique essentiel; ensuite, parce que la Chine s'inquiète d'une potentielle épreuve de force militaire entre les Etats-Unis et le régime iranien au cas où les négociations échoueraient : retarder au maximum l'imposition de sanctions repousse d'autant le scénario catastrophe d'un bombardement de l'Iran...

L'appétit croissant et insatiable de la Chine en ressources énergétiques a conduit, entre autres investissements à l'étranger, les compagnies pétrolières chinoises à investir 120 milliards de dollars (80 milliards d'euros) en Iran au cours des cinq dernières années, selon des estimations de la presse américaine. En juin, la China National Petroleum Corporation (CNPC) a signé un contrat de 5 milliards de dollars avec la Compagnie pétrolière iranienne pour le développement du champ de Pars.

Un récent " scoop " du Financial Times a par ailleurs révélé, le 23 septembre, que les échanges en la matière entre l'Iran et la Chine n'allaient pas dans un seul sens : selon des sources bancaires, les compagnies pétrolières chinoises fourniraient désormais à la République islamique " entre 30 000 et 40 000 barils de pétrole raffiné par jour ". Un chiffre qui correspond environ à un tiers des importations iraniennes, Téhéran n'ayant pas des capacités suffisantes de raffinage de son pétrole brut.

En janvier, la Chine et l'Iran ont en outre signé un contrat de 1,76 milliard de dollars pour développer le champ pétrolifère d'Azadegan. Et en mars, la compagnie iranienne de gaz et un consortium chinois ont également signé un contrat, d'une valeur de 3,39 milliards de dollars, pour produire du gaz liquéfié en Iran.

Ménager l'allié iranien, affirmer sa réputation sur la scène diplomatique internationale, tel est le délicat jeu d'équilibre de Pékin qui ne cesse de manoeuvrer au plus près de ses intérêts sur ce dossier. Cité récemment par le spécialiste de la Chine John Pomfret, dans le Washington Post, le directeur adjoint du centre des études internationales et stratégiques de l'université de Pékin, Zhu Feng, penchait cependant plutôt pour un assouplissement de la position chinoise : " Si l'Iran montre peu de sincérité à ce qu'une solution soit trouvée avec les pays occidentaux, je ne pense pas que Pékin continuera à s'opposer aux sanctions. "

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