La gestion de l'eau potable, et plus encore l'assainissement des eaux usées, est l'une des priorités environnementales du gouvernement chinois.
Chongqing. Ce nom n'est guère évocateur pour des oreilles occidentales. Et pourtant, la cité de Chongqing qui a rang de province (82 300 km², l'équivalent du Benelux) est un monstre urbain implanté au coeur de la Chine continentale, à 1 500 km à l'ouest de Shanghaï, dans la province du Sichuan. Avec ses 31 à 32 millions d'habitants, cette mégapole de l'intérieur fait perdre toute notion d'échelle avec sa forêt de grues et ses milliers de tours géantes agglutinées les unes contre les autres. Cette ville hors de proportions - qui a acquis le statut de municipalité autonome en 1997, l'affranchissant de la tutelle de la province du Sichuan - se construit le jour comme la nuit et se gonfle chaque année de centaines de milliers de nouveaux habitants venus des campagnes environnantes.
« Chongqing est un concentré des problèmes chinois », reconnaît Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, implanté dans la ville pour la gestion de l'eau potable et de l'assainissement (lire page suivante). Une ville hors dimension, une population qui explose (10 millions intra-muros), une croissance économique qui s'emballe à 14 %, soit presque deux fois plus vite que la moyenne nationale, et une consommation d'eau qui suit la même courbe.
Une ville qui est donc aussi un concentré de pollution. Sa chape de brume arrimée à demeure vaut à ce vaste pôle industriel le surnom de « fog city ». Chongqing détient d'ailleurs, selon la Banque mondiale, la très peu enviable deuxième place (après la ville chinoise de Guiyang) des villes les plus polluées au monde par les émanations d'oxydes de soufre, dues notamment à la combustion du charbon, à l'origine des pluies acides. D'après ce « palmarès » réalisé en 2007, 20 des 30 villes les plus polluées de la planète sont chinoises. Et infortune de la topographie des lieux, Chongqing est la seule ville de Chine où le vélo n'a jamais percé en raison des pentes trop raides des collines. Plus largement, 70 % des eaux des rivières du pays sont fortement polluées. « Il y a tous les mois des catastrophes, l'environnement est devenu un facteur d'instabilité sociale », explique Philippe Marrec de la mission économique de l'ambassade de France.
Cependant, pour Laura Sun, vice-présidente de Sino-French Water Development, la joint-venture créée par Suez, à Chongqing le pire est passé. « Il y a quelques années, on ne voyait jamais le soleil, les feuilles des arbres étaient noires et on était couvert d'une poussière noirâtre en marchant dans les rues. » « Les Chinois ont compris qu'ils allaient empoisonner leur pays, ils ont vraiment pris le virage de l'environnement et ils avancent très vite, commente Jean-Louis Chaussade. Il y a trois ans il était question d'environnement, aujourd'hui on parle d'économie verte et d'économie circulaire », poursuit le directeur général de Suez Environnement, qui assistait le mois dernier à Pékin au forum sino-international sur l'environnement et le développement. Cette évolution, Chongqing en a profité. Certaines industries ont été fermées, d'autres priées de se mettre aux normes ou de déménager hors de la ville, pour entamer une reconquête de la qualité de l'air et de l'eau.
« Il y a dix ans je ne savais même pas que la technique des stations d'épuration existait », reconnaît Laura Sun pour illustrer le chemin qui a été fait. « Les eaux usées de la ville étaient directement déversées dans le Yangzi, seuls 10 % des effluents étaient traités il y a encore six ans. Aujourd'hui, l'assainissement concerne 70 % des eaux de la ville », explique Bo Gang, qui dirige la station d'épuration mise en service en 2007 pour le million d'habitants des trois districts nord de Ching. Une station qui a nécessité d'araser un versant entier de colline pour la construire et oblige de pomper l'eau pour la rehausser de 36 mètres.
Bo Gang ne cache pas cependant que la célérité soudaine pour traiter les eaux usées est largement imputable à la construction, à 200 km en aval de la ville, du gigantesque barrage des Trois-Gorges. Il n'était pas possible que les eaux du Yangzi lourdement polluées par les rejets de Chongqing ne transforment en fosse la retenue d'eau du barrage. Pour autant, l'assainissement est l'une des priorités du 11e plan et, selon le ministère de la construction, 16 milliards d'euros ont été engagés pour la construction d'usines de traitement des eaux usées et la modernisation des systèmes de distribution d'eau sur la période 2006-2010. Les entreprises françaises, leaders mondiaux du secteur, sont de la partie.
Il ne viendrait cependant à l'esprit d'aucun Chinois de boire l'eau du robinet, même si l'eau potable est livrée, comme en Europe, au pied des immeubles. « Les conduites d'eau des bâtiments sont en galvanisé. C'est un mauvais choix technique historique, explique Diane Darras, directrice de la recherche de Suez Environnement. Les eaux souvent non conformes ont entartré les conduites ou les ont endommagées lorsqu'elles sont trop agressives », poursuit-elle. Et surtout pour alimenter les étages élevés des tours, ces dernières sont fréquemment équipées de réservoirs d'eau qui, faute de surveillance, deviennent des bouillons de culture. En Chine, même lorsque l'eau est potable au robinet, on on la fait bouillir ou on boit de l'eau en bouteille.
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