vendredi 23 octobre 2009

Les procès anti-mafia de Chongqing captivent les Chinois

Le Monde - International, mercredi, 21 octobre 2009, p. 7

Cheveux noirs plaqués autour d'un visage rond, l'air buté, Mme Xie Caiping monopolise l'attention de la presse chinoise depuis l'ouverture, le 12 octobre, des procès de Chongqing, cible d'une vaste campagne anti-gangs depuis le mois de juin. Cette petite femme replète de 46 ans, ancienne fonctionnaire de l'administration des impôts, a dirigé près de 80 salles de jeu illégales dans cette mégapole du centre de la Chine, érigée depuis 1997 au rang de municipalité comme Pékin, Shanghaï et Tianjin.

Accusée, entre autres, de séquestration illégale et de corruption active, ce parrain en minijupe a aussi captivé par son supposé appétit sexuel, à l'image de ces personnages officiels corrompus dont les frasques sont systématiquement jetées en pâture à l'opinion publique.

Selon des « fuites » organisée, Mme Xie aurait entretenu... 16 jeunes amants. Au tribunal, elle ne s'est cependant expliquée que sur sa relation avec l'un des co-accusés, Luo Xuan, 28 ans, employé comme chauffeur et manager de l'une de ses salles de jeu. Elle avait acheté à ce dernier une voiture, un salon de coiffure, et mettait à sa disposition une carte de crédit.

Certains internautes, et même la presse, se sont interrogés sur la réalité du nombre d'amants alors que le dossier d'accusation qui incrimine l'ancienne fonctionnaire, et qui compte 70 pages, semble rempli de détails autrement plus sérieux.

Mme Caiping avait échappé de justesse à une descente de police, il y a neuf ans, dans l'un de ses casinos. Arrêtée quatre ans plus tard, mais libérée après cinq mois seulement de détention, elle avait alors remonté en un tour de main ses activités de jeu clandestines. Il faut dire que la chef de gang avait pour beau-frère Wen Qiang, numéro un de l'administration judicaire de Chongqing, et vice-chef de la police de la ville de 1992 à 2008.

Ce gros bonnet, qui couvrait de multiples activités mafieuses, a été arrêté début août par Wang Lijun, un incorruptible chargé en 2008 par le tout-puissant secrétaire général du parti, Bo Xilaide, de « nettoyer » Chongqing. Le procès de l'ex-flic « ripoux » aura lieu ultérieurement dans une autre ville.

Coups de machette

Xie Caiping, elle, fait partie des 14 chefs de gangs qui comparaissent avec leurs hommes de main dans plusieurs tribunaux de l'immense municipalité. A la troisième cour intermédiaire du Peuple, Liu Zhongyong, caïd qui possédait des mines de charbon illégales, doit répondre avec ses hommes de plusieurs homicides. A la deuxième cour intermédiaire, deux jumeaux de 23 ans, Zhang Bo and Zhang Tao, se défendent de contrôler plusieurs casinos, et d'avoir fait tailler en pièces, à coups de machette, des mauvais payeurs.

Tous ne sont que les petites mains d'un inextricable réseau de connexions mafieuses, l'envers d'un décollage économique foudroyant. L'opération anti-mafia a conduit à ce jour à l'arrestation d'au moins 2 000 personnes, dont des dizaines de policiers, une demi-douzaine de commissaires, près d'une cinquantaine d'officiels et trois entrepreneurs milliardaires.

Brice Pedroletti

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