jeudi 29 octobre 2009

LUXE - L'industrie du luxe cherche des relais de croissance en Chine

Les Echos, no. 20541 - Industrie, jeudi, 29 octobre 2009, p. 19

Souffrant de la chute de leurs ventes en Occident et au Japon, les marques de luxe accélèrent leur développement sur un marché chinois toujours complexe. Le Comité Colbert lance aujourd'hui une nouvelle campagne dans le pays pour séduire les jeunes consommateurs.

Quand les cadres de Berluti ont décidé d'ouvrir leur cinquième boutique en Chine continentale, ils n'ont pas opté pour une implantation sur l'une des prestigieuses avenues de Shanghai mais choisi la ville de Ningbo, dans la province côtière du Zhejiang. Peu connu en Occident, ce port est en train de s'imposer comme l'un des marchés incontournables pour les géants mondiaux du luxe. Si le revenu annuel moyen dans la ville est estimé à 25.300 yuans (2.500 euros), une classe d'hommes d'affaires ayant fait fortune à l'export a attiré les grandes enseignes de la confection, de la joaillerie et de l'automobile. Rolls-Royce vient d'inaugurer une nouvelle concession dans la cité, ce qui fera de la province du Zhejiang la seule du pays à abriter deux magasins de la prestigieuse marque.

« En Chine, il existe une folie pour le luxe comme on ne voit nulle part ailleurs », tranche Bernard Fornas, le PDG de Cartier International. « Dans un contexte mondial difficile, la Chine s'impose comme une réserve de croissance très importante », explique-t-il avant de révéler que la clientèle chinoise, achetant dans le pays ou à l'étranger, est devenue depuis l'été dernier la plus importante au monde pour Cartier, devant les consommateurs japonais, qui ont longtemps dominé ce marché. « Nous avons 31 boutiques dans 19 villes du pays et nous allons en ouvrir entre 5 et 10 par an dans les prochaines années pour répondre à la demande », souffle Bernard Fornas.« Jamais, nous n'avions assisté à un tel déploiement de nouveaux points de vente dans un seul pays », confirme Elisabeth Ponsolle des Portes, la déléguée générale du Comité Colbert, qui fédère les grands groupes de luxe tels que LVMH (propriétaire des « Echos »), Hermès ou encore Baccarat.

Entre 2005 et 2009, les 70 marques représentées au sein du comité ont, en moyenne, vu la part de leur chiffre d'affaires mondial réalisé en « Grande Chine » - en incluant les très fortes ventes à Macao et à Hong Kong, où les produits, moins taxés, sont jusqu'à 20 % moins cher - passer de 4,5 % à 8 %.

Communication en 3D

Pour conforter cette croissance cruciale pour l'avenir de l'industrie et conquérir les jeunes Chinois, le comité dévoile aujourd'hui une originale campagne de communication centrée sur un site en 3D (www.ccolbert.fr), permettant aux internautes « un voyage interactif au sein du luxe français ». Le projet doit notamment permettre à de petites marques françaises de gagner en notoriété et de se développer sur un marché prometteur mais toujours difficile où les sociétés sont confrontées à l'imposition de lourdes taxes sur leurs ventes, au manque de personnel qualifié, à l'explosion des loyers et à la contrefaçon.« Si les grandes enseignes telles que Louis Vuitton, Gucci ou Cartier sont profitables ici, de petites marques qui ont assisté à l'effritement de leurs marchés traditionnels se disent qu'elles doivent dès aujourd'hui construire leur notoriété en Chine pour un jour être prospères », analyse Ignatius Tong, un consultant de Roland Berger basé à Shanghai.

Suivant cette démarche, le spécialiste de la porcelaine Bernardaud a ouvert trois points de vente à son nom dans le pays depuis 2007 et a décidé de lancer une usine de production à Jingdezhen, le Limoges chinois. « Avec notre partenaire chinois, nous allons attaquer le marché de l'hôtellerie-restauration, qui connaît un véritable boom », précise Michel Bernardaud, représentant la 5e génération à la tête de la société. « Au vu des droits de douane très élevés appliqués en Chine, fabriquer ces produits en France et les exporter n'était pas rentable », pointe-t-il. « S'installer en Chine, c'est très coûteux et cela prend beaucoup de temps », confirme cependant Bernard Fornas de Cartier.

DOMINIQUE CHAPUIS ET YANN ROUSSEAU (À PEKIN)

PHOTO - Yves Carcelle et l'ambassadeur chinois en France, Kong Quan, 29 octobre 2009 / Getty Images

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