Le président français Nicolas Sarkozy et son homologue brésilien Luiz Inacio Lula da Silva ont décidé, samedi 14 novembre, de se jeter dans la bataille en vue du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique. Leur adversaire désigné ? Le " G2 ", constitué du président américain Barack Obama et de son homologue chinois Hu Jintao, soit les deux plus gros pollueurs de la planète.
Le président américain n'a pas voulu que les dirigeants européens se joignent à la réunion du Forum de coopération Asie-Pacifique (APEC), les 14 et 15 novembre à Singapour, pour tenter de dénouer la négociation. Pis, l'APEC a refusé de prendre des engagements contraignants de réduction des émissions de gaz à effets de serre. Par la voix de son conseiller, Michael Froman, M. Obama a fait savoir que le sommet de Copenhague, qui se tiendra du 7 au 18 décembre, ne serait qu'une étape. Les Américains accepteraient de signer un accord portant sur l'aide aux pays pauvres frappés par le réchauffement, mais souhaitent reporter à plus tard les engagements contraignants de réduction des émissions de CO2.
M. Sarkozy s'y refuse. Rêvant de prendre en tenaille les Etats-Unis et la Chine, il veut forger une alliance entre pays industrialisés, grands pays émergents et pays les plus touchés par le réchauffement climatique (Afrique non méditerranéenne, Etats insulaires menacés, Asie du sud-est...). Les engagements unilatéraux pris, vendredi 13 novembre, par le Brésil, après ceux de l'Union européenne, confortent sa stratégie.
Le géant latino-américain est le premier grand pays émergent à s'engager de la sorte. Il ne va pas ralentir son expansion économique, mais s'engage à réduire de 80 % la déforestation de l'Amazonie, à contrôler les effets de l'élevage et de l'agriculture sur la savane, à limiter l'utilisation des nitrates dans l'agriculture.
Ces mesures devraient permettre de réduire la croissance attendue des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 de 36 % à 39 %, a annoncé Dilma Roussef, chef de la Maison civile, équivalent brésilien du premier ministre et dauphine de M. Lula.
L'effort proposé par le Brésil " est équivalent à la proposition qu'a envoyée M. Obama au Congrès américain ", a affirmé le président brésilien, qui était reçu, samedi, à l'Elysée. " Nous n'avons pas le droit de permettre que le président Obama et le président Hu Jintao puissent célébrer un accord en prenant pour base les seules réalités de leurs pays ", a-t-il mis en garde, annonçant qu'il téléphonerait lundi 16 novembre à M. Obama, pendant la visite de ce dernier en Chine. " La première économie du monde doit être à la hauteur de ses responsabilités ", a surenchéri M. Sarkozy. " Nous n'accepterons pas de prendre des engagements et que d'autres disent : on verra demain. "
A un mois du sommet de Copenhague, M. Sarkozy et M. Lula veulent faire grossir leurs troupes. " Avec le président Lula, on va faire le tour de la planète pour convaincre, parce que le monde est multipolaire ", a annoncé le président français, qui compte faire adopter le plan qu'a concocté son ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo. Baptisé " Justice-climat ", ce texte d'une dizaine de pages prévoit des financements de 450 milliards d'euros sur vingt ans, dont les trois quarts alloués à l'Afrique.
Destiné à aider les pays du sud à réussir leur transition énergétique et à lutter contre les dégâts du réchauffement, il comporte un vaste plan de développement de l'énergie solaire, des projets de reforestation et de lutte contre l'érosion, des aides aux pays menacés par la montée du niveau des océans. Le tout serait financé par une taxe de 0,01 % sur les transactions financières qui rapporterait 20 milliards d'euros par an.
M. Sarkozy doit rencontrer jeudi 19 novembre à Bruxelles, avant le Conseil européen, la chancelière allemande Angela Merkel et le premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen, hôte de la conférence, pour consolider la position de l'Union européenne. Il se rendra ensuite au Brésil, où M. Lula compte convaincre les dix pays du bassin amazonien, qui se rencontreront à Manaus, fin novembre, de prendre des engagements analogues à ceux de son pays.
Le 27 et le 28 novembre, il s'agira de persuader les pays du Commonwealth, qui doivent se réunir à Trinité et Tobago, dans les Caraïbes. Le premier ministre britannique Gordon Brown a convié M. Sarkozy à s'y rendre. L'enjeu est de rallier les pays d'Afrique anglophone, l'Australie, le Canada la Nouvelle-Zélande et surtout l'Inde.
New Delhi est un acteur incontournable. Pour convaincre le deuxième pays le plus peuplé du monde, M. Borloo, qui a rencontré le premier ministre indien Manmohan Singh vendredi 13 à New Delhi, veut le " découpler " de la Chine. Son plan d'aide concerne les pays qui émettent moins de deux tonnes de CO2 par an et par habitant : l'Inde est à 1,2 et la Chine à 4,5 tonnes. Pour mémoire, les Etats-Unis sont à 19 tonnes, l'Europe à 10.
M. Sarkozy envisage enfin de se rendre en Afrique, alors que son ministre de l'écologie a également rencontré, vendredi 13, le premier ministre éthiopien Meles Zenawi, chef de file des Africains.
Le président français hésitait à se lancer dans la bataille de Copenhague. Mais il a fait du réchauffement climatique un enjeu de politique intérieure, avec l'introduction d'une taxe carbone impopulaire. Après avoir promu l'émergence du G20, il espère finaliser les engagements climatiques lorsqu'il présidera ce forum, ainsi que le G8, en 2011... Juste avant l'élection présidentielle de 2012.
Arnaud Leparmentier
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