vendredi 6 novembre 2009

Dans la crise, la Chine a renforcé son influence sur l'Afrique - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20547 - International, vendredi, 6 novembre 2009, p. 8

Le Premier ministre chinois rencontre ce week-end au Caire plusieurs dizaines de responsables africains dans le cadre d'un grand sommet économique. Il devrait annoncer de nouvelles aides au développement.

Pas un mois ne passe sans l'annonce d'un spectaculaire contrat chinois en Afrique. Il y a quelques jours, c'est un très controversé projet d'investissement de plus de 7 milliards de dollars qui a été annoncé par China International Fund en Guinée dans des coentreprises exploitant notamment des mines de bauxite. Pendant l'été, les géants du pétrole chinois CNOOC et Sinopec avaient eux indiqué qu'ils étaient prêts à dépenser 1,3 milliard de dollars pour participer au développement d'un champ pétrolier en Angola quand, quelques jours plus tôt, le groupe télécom de Shenzhen, ZTE, emportait, à Madagascar, le contrat de déploiement du réseau de téléphonie mobile de l'opérateur Madamobil et étendait sa présence sur le continent.

Nouvelle dépendance

Alors que la crise économique a incité nombre de groupes occidentaux à geler leurs projets d'expansion, les entreprises chinoises ont, elles, tout au contraire, profité du ralentissement pour accélérer leurs investissements en Afrique et s'assurer un accès privilégié à des marchés, réputés plus accessibles que ceux des pays développés, et à des ressources naturelles cruciales à l'alimentation des industries du pays. « Nombre de pays africains, et notamment ceux dépendant des marchés des matières premières, n'auraient pas connu de croissance en 2009 sans la Chine. Le plan de relance mis en place par Pékin a été une formidable nouvelle pour l'Afrique dont la croissance est désormais en grande partie liée à celle de la Chine », explique Martyn Davies, le PDG du centre de recherche « Frontier Advisory ».

Commentant cette nouvelle dépendance, Xinhua, l'agence de presse du régime communiste, expliquait cette semaine dans une série d'articles annonçant la tenue ce week-end d'un grand sommet sino-africain au Caire en Egypte que « tout en savourant les fruits de sa propre croissance, la Chine n'avait jamais oublié ses obligations à l'égard de ses frères africains ».

Pour renforcer cette « solidarité » qui a permis une explosion continue des flux commerciaux entre la Chine et l'Afrique - ils ont atteint 106,8 milliards de dollars l'an dernier -, Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, devrait annoncer demain au Caire de nouvelles annulations de dettes pour les pays « amis », des projets de coopération économique ainsi que le renforcement d'un jeune fonds sino-africain de développement doté pour l'instant de 5 milliards de dollars destinés à accompagner les entreprises chinoises sur le continent.

Si une fois encore les autorités chinoises rappelleront qu'elles ne « font pas de politique » à l'étranger, elles semblent tout de même de plus en plus tentées d'expérimenter en Afrique « l'émergence pacifique » de leur puissance. Loin de la méfiance des capitales occidentales qui fustigent le « néo-colonialisme » de Pékin, le pouvoir chinois veut démontrer, en Afrique, que son expansion à l'étranger peut être source de changement positif pour les Etats et les populations. « Si la Chine n'a pas encore théorisé une projection de son modèle de développement comme une alternative à suivre, elle est clairement ravie de pouvoir exposer ses réussites à une opinion et à des responsables africains très intrigués par la rapidité de la mutation chinoise et se dit prête à partager son expérience », remarque Martyn Davies.

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