En 2008, les chercheurs chinois ont publié davantage que leurs homologues allemands, japonais et français.
Quel est le pays dont la production scientifique a quadruplé depuis 2000 ? La Chine, bien sûr. Les données publiées par le spécialiste canadien de l'analyse bibliométrique Thomson Reuters confirment ce que tout le monde perçoit intuitivement : l'empire du Milieu est en train de devenir un géant de la recherche scientifique. En fait, Pékin semble désormais installé au second rang mondial de la production de savoir, juste derrière les Etats-Unis et devant les acteurs historiques comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon ou la France. Si la tendance actuelle se poursuit, le pays pourrait devenir en 2020 la première puissance scientifique de la planète. Tout au moins en termes quantitatifs.
Le bilan dressé par Thomson Reuters prend en compte le nombre d'articles dont au moins un des auteurs est employé par un laboratoire public ou privé chinois. Il s'agit donc de la production brute listée sur le Web of Science, un serveur qui recense les travaux académiques. Mais cet indicateur ne tient pas compte de la qualité des articles, c'est-à-dire de leur accueil par la communauté scientifique.
Honnêtes artisans
Une chose est sûre : la Chine est le seul pays à bénéficier depuis dix ans d'une progression à deux chiffres de sa production scientifique. Pour l'instant, cette croissance explosive s'est concentrée sur des disciplines jugées stratégiques, pour des raisons de suprématie militaire ou industrielle : matériaux, chimie, physique, mathématiques, ingénierie, informatique. Dans ces six activités, la « part de marché » de la recherche chinoise oscille entre 10 % et 20 % du total mondial. Dans des sous-secteurs délaissés par les pays développés, Pékin accède même au rang de leader. « C'est le cas pour toutes les recherches sur le charbon, où ils sont pratiquement les seuls à maintenir des équipes », confirme la présidente du CNRS, Catherine Bréchignac. Depuis peu, l'empire du Milieu s'est également lancé à l'assaut des sciences du vivant. Là aussi, la progression semble spectaculaire, notamment en immunologie et en microbiologie.
L'an passé, la Chine a produit 112.000 publications, contre environ 80.000 pour l'Allemagne et le Japon et 60.000 pour la France. Quelle est la valeur de cette masse de résultats ? L'originalité et la pertinence sont-elles au rendez-vous ? Dans les classements intégrant le facteur d'impact des publications (tenant donc compte de leur qualité), le pays bascule au-delà du dixième rang mondial. Les scientifiques chinois ont par ailleurs la réputation d'être d'honnêtes artisans, c'est-à-dire de gros bosseurs obéissants et moyennement créatifs. Les universités américaines regorgent de post-doctorants venus de Shanghai ou de Chengdu travaillant quatorze heures par jour et acceptant sans rechigner des tâches répétitives. « Ce sont les post-doctorants asiatiques qui font tourner les laboratoires universitaires américains », entend-on sur les campus d'outre-Atlantique.
Pékin pousse ses chercheurs
Le gouvernement chinois, en quête de notoriété intellectuelle, est également connu pour encourager « très fermement » les chercheurs locaux à publier. De fortes primes sont offertes aux auteurs qui trouvent grâce auprès des comités de lecture de « Science » ou de « Nature ». Pékin a également lancé une campagne de retour au pays destinée à séduire ses nationaux installés dans des laboratoires étrangers, surtout aux Etats-Unis.
Selon Manos Perros, vice-président de la recherche dans le groupe pharmaceutique américain Pfizer, la qualité de la recherche académique chinoise est en net progrès. « Ils sont capables de faire en un mois ce qui demande six mois dans les pays occidentaux », indique ce spécialiste des maladies infectieuses installé au Royaume-Uni. Comme tous les industriels de la pharmacie, le groupe américain dispose d'un centre de recherche en Chine en passe de devenir un sérieux concurrent de ses équivalents européens. « Les chercheurs des pays occidentaux feraient bien de prendre en compte l'efficacité et la productivité de leurs collègues chinois »,avertit Manos Perros. Tout le monde ne partage pas ce point de vue. Nombre de responsables universitaires américains estiment que le système politique de la Chine est totalement incompatible avec la création scientifique et qu'il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter.
Une autre donnée confirme l'indéniable effort de l'empire du Milieu pour intégrer le monde de l'économie de la connaissance : l'accès à l'enseignement supérieur. Selon les données officielles, le nombre d'étudiants dans les universités chinoises a quintuplé depuis l'an 2000 pour atteindre un total proche de 25 millions.
ALAIN PEREZ
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