A la gare routière de Kunming, la capitale de la province chinoise du Yunnan, un autocar plein à craquer de travailleurs chinois prend la route. Destination : Vientiane, la capitale laotienne. L'inconfort et les quarante heures de trajet ne font pas peur à ces hommes secs et nerveux qui fument cigarette sur cigarette. Ils semblent même enthousiastes à l'idée de bientôt toucher un salaire décent. "Le Laos est un pays pauvre et sale, lâche l'un d'eux. Mais nous avons déjà beaucoup d'amis là-bas. Nous pouvons y gagner de l'argent et aider à ce que le Laos ressemble davantage à la Chine."
Dans le Triangle d'or - une région riche en ressources naturelles qui recouvre une partie des territoires du Laos, de la Thaïlande et du Myanmar -, l'influence chinoise est présente depuis longtemps. A l'instar des Chin Haw - des Chinois hans et huis de la province du Yunnan -, arrivés au Laos au XIXe siècle pour profiter de la manne agricole, une nouvelle vague de migrants du Yunnan et d'au-delà afflue maintenant dans cette région. Depuis quelques années, le rôle de la Chine dans le développement du nord du Laos est de plus en plus flagrant. Un accord de coopération signé en 1997 a mis fin à l'hostilité née de l'alliance entre le Laos et le Vietnam - l'adversaire de la Chine à l'époque - dans les années 1980. Dix ans plus tard, la Chine était à l'origine de près de 40 % des projets d'investissements au Laos. Que ce soit grâce à des aides officielles, à des investissements publics ou à l'implantation d'un nombre croissant d'entreprises privées, la Chine contrôle désormais de vastes pans de l'économie laotienne. Des ressources minières au caoutchouc en passant par l'électricité, la vente au détail et le secteur hôtelier, le puissant voisin domine presque tous les secteurs économiques. L'an dernier, le gouvernement du Yunnan a mis sur pied un projet - le Northern Plan - dont l'objectif est de développer les secteurs industriels du nord du Laos d'ici à 2020. Ce projet devrait être ratifié au IXe Congrès du Parti communiste laotien, en 2010. Les luxueux 4 x 4 que l'on voit à la frontière sino-laotienne montrent incontestablement que l'influence croissante de Pékin profite à certains. Toutefois, de nombreux Laotiens et observateurs internationaux s'inquiètent de son impact social et environnemental. Ces craintes concernent en particulier l'"autoroute" 3 (construite avec, entre autres, des fonds chinois et thaïlandais), qui relie Kunming à Bangkok et traverse le nord du Laos.
Située sur la frontière chinoise tout près de la route 3, la ville laotienne de Boten a accédé au statut de "zone économique spéciale" en 2002. Renommée Boten Golden City, l'agglomération, d'une superficie de 21 kilomètres carrés, a de fait été intégrée à la Chine après l'octroi à des investisseurs chinois d'une concession de trente ans - extensible à soixante ans. Présentée comme "la ville la plus moderne et la plus internationale du Laos", Boten sera dotée d'un parcours de golf, d'un centre de congrès, de zones résidentielles et même d'un aéroport international. Le développement de Boten a certes généré des emplois pour la population locale, mais il s'agit le plus souvent de postes subalternes. Boten a adopté l'heure de Pékin, le yuan et l'usage du mandarin. L'électricité et le téléphone sont raccordés aux réseaux chinois. Même les prises électriques répondent aux normes chinoises. Les prostituées - toujours plus nombreuses - que l'on croise dans les rues sont chinoises, tout comme la bière et les cigarettes.
La biodiversité menacée par les projets chinois
Le projet a provoqué une pluie de doléances. L'aménagement de la zone économique spéciale s'est accompagné d'une vague d'expulsions : les habitants de l'ancienne Boten ont été relogés à vingt kilomètres de là, dans un endroit où les services sont plus rares et les terres moins fertiles. La multiplication des concessions laotiennes octroyées aux Chinois, l'afflux ininterrompu de migrants chinois et le développement du réseau routier régional encouragent également le braconnage d'espèces rares, faisant peser un lourd péril sur la biodiversité du pays. En traversant Boten, les voyageurs apercevront, sur le bord de la route, des cages exiguës renfermant des singes, des ours noirs et d'autres espèces rares. Elles attendent un acheteur qui les acheminera de l'autre côté de la frontière.
Au-delà de Boten, la menace qui pèse sur la faune est criante, surtout le long de la route 3. De larges surfaces boisées ont été rasées pour en vendre le bois avant d'y planter des tecks et des hévéas. Bien que les premières plantations d'hévéas dans le nord du Laos ne remontent qu'à 1994, les investissements chinois ont considérablement accéléré l'expansion de l'industrie du caoutchouc. Les entreprises chinoises investissent massivement dans de gigantesques plantations. Une fois qu'elles ont en leur possession un contrat signé avec les autorités laotiennes, elles se rendent sur le terrain et traitent avec les villageois, à qui elles offrent des rémunérations de subsistance. Il va sans dire que le processus ouvre la voie à des abus. Le gouvernement laotien avait tenté de mettre un terme à ces dérives en décidant en 2007 le gel de telles transactions. Mais la mesure, ignorée par les fonctionnaires locaux ou contournée grâce à l'absence d'Etat de droit, est demeurée sans effet.
Les intérêts chinois au Laos ont donc encore de beaux jours devant eux. Il y a fort à parier que l'appétit vorace de la Chine pour les ressources naturelles laotiennes, la profusion des produits chinois bon marché et l'aide octroyée sans condition au Laos renforceront l'emprise de Pékin sur son petit voisin au cours des décennies à venir.
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1 commentaires:
vivement qu'il ai plus de investissement chinois pour développer le laos plus de route pour apporter des progrès pour sortir la population laotien de la misère,car dans le passé la présence française n"a apporter que des malheurs et de guerre, honte a la france pays qui se crois donner des leçons aux monde alors que la réalité est autre.
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