"Intérêt" est l'un des mots les plus employés aujourd'hui en Chine - et sans doute l'un des plus pertinents quant à l'analyse de la société. L'évolution de son utilisation même témoigne de la transformation profonde du pays. A l'époque de Mao, il n'existait en principe que deux types d'intérêts antagonistes : ceux du prolétariat et ceux de la bourgeoisie. Tout intérêt particulier, individuel, familial faisant partie, au bout du compte, de l'intérêt bourgeois devait s'effacer devant celui de la classe prolétaire représentée par l'Etat-parti. L'irruption des intérêts particuliers est l'un des phénomènes les plus spectaculaires de la Chine postréformiste. A partir de 2005, des expressions comme "intérêts particuliers", "groupes d'intérêts", "défenseurs des intérêts des faibles", etc., abondent dans la presse et apparaissent même dans les discours officiels. L'accélération de l'aggravation des inégalités sociales et l'enracinement de la corruption ont contribué à la prise de conscience du phénomène par la population. Dès lors, les "groupes d'intérêts" sont accusés d'être à l'origine de la corruption, de l'indifférence envers les laissés-pour-compte et même des troubles sociaux. L'article de Zhou Ruijin mentionné ci-contre est courageux et important, non tant parce qu'il critique les groupes d'intérêts particuliers, mais parce qu'il dénonce l'alliance entre Etat et groupes particuliers.
La spécificité de la Chine d'aujourd'hui, en effet, n'est pas qu'elle produise, comme les autres pays capitalistes, des groupes d'intérêts, mais bien que l'Etat lui-même soit devenu l'unique représentant d'un groupe particulier réunissant pouvoir et capital tout en se déguisant en Etat communiste.
© 2009 Courrier international. Tous droits réservés.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire