S'appuyant sur de nombreux documents inédits, l'historien Alain Roux livre une remarquable biographie du dirigeant chinois, qu'il veille à situer « dans son temps et son espace ».
Trente-trois ans après sa mort, Mao Zedong, dont le portrait trône à l'entrée de la Cité interdite à Pékin, est encore à découvrir. Comment évaluer la démarche et le rôle d'une personnalité qui a profondément et durablement marqué la Chine actuelle de son empreinte ? Les années ont passé et le Grand Timonier, le plus souvent jadis objet de culte, devient objet d'histoire. S'appuyant sur nombre d'ouvrages et de documents inédits, c'est en historien sinologue, pratiquant un travail rigoureux, qu'Alain Roux nous livre une remarquable biographie du dirigeant chinois, qu'il veille à situer « dans son temps et son espace ».
L'auteur retrace l'itinéraire de celui qui fut à la fois un dirigeant totalitaire, responsable de millions de morts, et un chef d'État capable d'insuffler un nouveau dynamisme et une nouvelle fierté à ses compatriotes. Cette biographie s'attache à comprendre la complexité de cette image et à expliquer, loin des portraits complaisants ou de procès à charge, les deux genres se privant d'absence de réflexion sur la société chinoise, ses contradictions, son évolution. « Les progrès considérables dans la connaissance des écrits et des discours de Mao Zedong, ainsi que l'évolution politique de la Chine durant ces trente dernières années ont permis de sortir la biographie de Mao du genre hagiographique », rapporte Alain Roux. Comment s'est construit Mao le révolutionnaire qui a abattu le régime corrompu de Tchang Kaï-chek, qui a suscité une mobilisation libératrice de la paysannerie, a cassé la société patriarcale, jeté les bases d'un État moderne et restauré la souveraineté nationale ? Par quel cheminement est-il devenu ce tyran absolu, coupable de deux catastrophes successives, la famine du grand bond en avant et le chaos meurtrier de la révolution culturelle ? Et qu'est-ce qui explique le respect dont il jouit encore auprès de la grande masse du peuple chinois ? « Je cherche à expliquer et non à justifier ce qui ne peut l'être », relève Alain Roux qui situe toujours « dans le temps » la formation de cette « pensée Mao Zedong » en présentant les principaux textes où elle s'est exprimée dans leurs relations avec la vie de leur auteur : ce sont souvent des réponses à des problèmes immédiats, estime l'historien.
« Il y a en moi un peu de tigre - c'est le principal - et aussi un peu de singe - c'est secondaire », écrivait, en juillet 1966, Mao à sa femme Jiang Qing, pour lui annoncer le lancement de la Révolution culturelle. Le tigre « roi de la montagne », détenteur d'un pouvoir absolu, le singe, symbole de l'intelligence au service de la sagesse et de la vérité, mais aussi de la ruse et de l'absence de scrupules. Étrange confidence.
Dominique Bari
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