La délégation chinoise à Copenhague revendique le droit d'émettre autant de gaz à effet de serre que l'Occident sur le long terme.
Le suspense croît d'heure en heure à Copenhague. Alors que les discussions se sont officiellement élevées mardi au niveau ministériel, le ton est resté acerbe entre les délégations. Et si les principaux protagonistes affichent une même volonté d'aboutir à un résultat, ils n'en continuent pas moins à défendre des positions très éloignées. La Chine, qui se pose en défenseur résolu des pays en développement, ne manque ainsi pas une occasion de dénoncer le manque de sens des responsabilités des pays industrialisés.
«Responsabilité»: telle est le maître mot. Pour Pékin, les pays développés portent la responsabilité historique du réchauffement, puisque ce sont essentiellement eux, et non ces nouveaux émetteurs que sont les pays émergents, qui ont accumulé des gaz à effet de serre dans l'atmosphère depuis un siècle et demi. Gaz à effet de serre qui s'y trouvent toujours vu leur très longue durée de vie. Et pour bien souligner cette réalité, la délégation chinoise a débarqué à Copenhague avec une batterie de recherches scientifiques récentes sur le sujet.
A partir du moment où les émissions de gaz à effet de serre doivent être limitées, soutient le «camp chinois», il s'agit de savoir comment elles doivent être réparties entre les Etats. Ou plutôt entre les individus au sein de chaque Etat, puisqu'il est juste de reconnaître les mêmes droits à chacun.
Les pays industrialisés proposent d'encourager dès aujourd'hui la convergence des conditions, pour arriver progressivement au même taux approximatif d'émissions par habitant de la planète. Ils imaginent de le faire en forçant leurs ressortissants à réduire peu à peu leurs rejets et en autorisant ceux des pays en développement à relever simultanément les leurs.
Mais la Chine crie à l'injustice. Elle rappelle que les pays riches ont émis d'énormes quantités de gaz à effet de serre pour atteindre leur état actuel de prospérité. Et elle revendique le même privilège pour les pays pauvres. Surtout si cela s'avère nécessaire à leur développement, leur priorité.
Une étude de l'Université Tsinghua, à Pékin, chiffre le raisonnement. Selon ses calculs, les pays industrialisés ont émis 840 milliards de tonnes de CO2 entre 1850 et 2005 sur un total de 1100 milliards. Même s'ils réduisent de 80% leurs émissions d'ici à 2050, ce qui sera très difficile, ils émettront encore pendant la période 380 milliards de tonnes de CO2 sur un total de 1000 milliards.
Au total, de 1850 à 2050, ces Etats auront donc émis 1220 milliards de tonnes sur un total de 2100 milliards, soit 58% des rejets mondiaux alors qu'ils ne représentent, en 2005, que 20% de la population du globe. Conclusion: ils n'ont de leçon à donner à personne. Et aucune exigence à poser avant longtemps.
La Chine considère que le réchauffement la menace et qu'une conversion à une économie durable est dans son intérêt. Elle se dit prête, par conséquent, à réaliser des efforts pour limiter ses émissions de gaz à effet de serre. Mais pour les limiter, pas pour les réduire. Pas dans l'immédiat.
L'étude de l'Université Tsinghua assure que les pays industrialisés auront la possibilité, vu leur niveau de prospérité, de négocier plus rapidement leur révolution verte que les autres. Elle prévoit par conséquent que la Chine émettra dans quelques années plus de gaz à effet de serre par habitant que l'Occident, avant d'atteindre à son tour un pic et de réduire également ses rejets. Selon ce scénario, les pays les moins avancés devraient connaître une même évolution, et former une troisième vague, un peu plus tard.
Aux yeux des autorités chinoises, la «responsabilité historique» des pays industrialisés leur impose d'accepter cet état de fait et d'aider financièrement et technologiquement les pays qui en souffrent le plus. Une obligation qui figure d'ailleurs dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Obligation peu respectée, à entendre hier le vice-directeur de la délégation chinoise à Copenhague, Yu Qingtai. «Certains pays signataires du Protocole de Kyoto se permettent d'annoncer qu'ils ne vont pas pouvoir tenir leurs engagements, a-t-il accusé. Et ils le font sans prononcer une excuse, l'air de dire «c'est la vie». Qu'ils commencent à balayer devant leurs portes avant de lorgner vers la nôtre!»
PHOTO - AP - One of 20 Chinese traditional drummers wearing T-shirts bearing slogans "Save the climate, no time to waste" and "tck tck tck (time to act on climate change) Copenhagen" take part in a Greenpeace event addressing world leaders in Copenhagen, in Beijing, China, Saturday, Dec. 12, 2009. Chinese Vice Foreign Minister He Yafei on Friday said the chief U.S. climate negotiator either lacks common sense or is "extremely irresponsible" for saying that no U.S. climate financing should be going to China.
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