En visite en Chine, le premier ministre français a évité d'évoquer les droits de l'homme.
Remettre la relation franco-chinoise sur les rails : en dépit d'un volet économique important, la visite à Pékin que vient d'achever François Fillon, mardi 22 décembre, était avant tout politique. Il s'agissait de tourner pour de bon la page des mois de brouille diplomatique provoquée, en 2008, par les pressions exercées par Nicolas Sarkozy à propos du Tibet et sa rencontre impromptue avec le dalaï-lama, la bête noire du régime.
A l'issue de deux jours d'une visite marathon durant laquelle il a enchaîné les rencontres avec les plus hauts responsables de la République populaire - le président Hu Jintao, le premier ministre Wen Jiabao, le président de l'Assemblée nationale populaire Wu Bangguo -, le chef du gouvernement français peut s'estimer satisfait.
Dans son entourage, on souligne que les échanges avec ses interlocuteurs ont été des plus cordiaux, le premier ministre Wen allant même, en préambule de l'entretien élargi qu'il a eu lundi avec la délégation française, jusqu'à déclarer à M. Fillon : « Bien que ce soit la première fois que je vous rencontre, j'ai l'impression que nous sommes déjà amis. »
Nul doute que pour les Chinois, la personnalité de ce dernier « passe » mieux que celle de M. Sarkozy, dont le caractère imprévisible, prompt à la familiarité, lui a valu la méfiance durable des maîtres de la Chine. La visite de M. Fillon a tout de même été l'occasion d'annoncer que le président français se rendra au printemps en Chine à l'inauguration de l'exposition universelle de Shanghaï.
De son côté, François Fillon a adopté un langage et une attitude consistant à soigneusement éviter de froisser ses hôtes, et à glisser sur les sujets qui fâchent. Durant un échange avec des étudiants en aéronautique de l'université de Beihang, qui héberge la branche pékinoise de l'Ecole centrale française, le premier ministre a parlé de « malentendus » à propos du Tibet, estimant que la portée de cet épisode a été « exagérée ».
Réévaluer le yuan
Plus de 6 milliards d'euros de contrats ont été signés durant cette visite, notamment entre le groupe Safran (CFM) et la Commercial Aircraft Corporation of Fina (Comac) pour la fourniture au nouvel avion chinois C919, concurrent direct de l'Airbus A 320, des « nacelles moteurs » (3,5 milliards d'euros).
Autre avancée, l'ouverture d'une ligne de crédit de 1,7 milliard d'euros pour financer le projet des deux centrales nucléaires EPR dans la province du Guangdong.
« On dit que je suis venu faire du business », a ironisé François Fillon durant sa conférence de presse, mais une telle visite, « c'est de l'emploi pour les travailleurs français », a-t-il souligné.
Alors que le régime chinois est sous pression internationale à propos de la sous-évaluation du yuan, M. Fillon a préféré s'en prendre aux Américains pour adresser un message indirect à Pékin.
Sans doute le premier ministre, qui a révélé que son fils de 8 ans étudie le chinois, a-t-il lu L'Art de la guerre, de Sun Tzu, un manuel de stratégie écrit au VIe siècle avant J.-C., qui conseille aux militaires de savoir parfois renoncer au combat frontal pour lui préférer l'intelligence et la dissimulation : après avoir remarqué qu'il n'est pas « normal » qu'avec un coût de production identique, un avion fabriqué en Europe coûte plus cher qu'un appareil fabriqué aux Etats-Unis, M. Fillon a ajouté que le système monétaire doit devenir plus « stable », plus « flexible », ce dernier qualificatif visant une Chine inflexible en la matière.
La réconciliation franco-chinoise aura mis sous le boisseau tout débat sur les droits de l'homme, avec une Chine de plus en plus hostile à toute critique à ce sujet.
Si M. Fillon a rappelé que la France est une « très vieille démocratie », et que le « gouvernement chinois doit l'accepter », il a simplement remarqué que Paris « soutenait » les protestations de l'Union européenne alors que le procès du plus célèbre dissident chinois, Liu Xiaobo, commençait mercredi. Cet écrivain et professeur risque quinze ans de prison pour avoir appelé à une transition démocratique en Chine.
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