mercredi 30 décembre 2009

La puissance chinoise s'affirme de plus en plus ouvertement - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20583 - bilan 2009 : international, mercredi, 30 décembre 2009, p. 6

En générant, malgré la crise, une croissance de plus de 8 % pour 2009, Pékin pense démontrer la supériorité de son modèle. La résistance à la domination idéologique des puissances occidentales déclinantes s'affirme.

Le 18 novembre 2009 pourrait rester comme une date clef dans l'histoire mondiale. Ce jour-là, à l'issue de la réglementaire visite de la Grande Muraille, Barack Obama quittait, penaud, la Chine qui, pendant trois jours, venait d'opposer à toutes ses requêtes et demandes de coopération sur les grands enjeux internationaux une arrogance froide. Malgré une approche en douceur, le président américain n'avait réussi à faire entendre aucun de ses appels en faveur d'une réévaluation du yuan ou d'une pression diplomatique chinoise accrue sur les régimes nord-coréen et iranien, soupçonnés de manipuler leurs programmes nucléaires. Face aux responsables de l'Union européenne invités à Nanjing, Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, affichera, quelques jours plus tard, la même morgue, avant d'accuser les Occidentaux de vouloir, par leurs éternels reproches, freiner le développement de son pays.

Après avoir longtemps suivi les préceptes de Deng Xiaoping, qui, il y a une vingtaine d'années dans sa maxime dite « des 24 caractères », appelait son pays à « observer calmement, asseoir sa position, cacher ses capacités, garder un profil bas et ne jamais revendiquer le leadership », le pouvoir communiste de Pékin a osé pour la première fois, en 2009, se poser en puissance mondiale de premier rang, face notamment aux Etats-Unis, dont le leadership n'avait jusqu'ici jamais été contesté publiquement.

Dès le premier semestre, les autorités chinoises ont pris confiance en elles au fil du déroulement de leur massif plan de relance de 4.000 milliards de yuans, encensé aveuglément par les capitales occidentales. Percevant les premiers effets de ces dépenses sur leur croissance, qui a finalement terminé l'année à plus de 8 %, Pékin s'est permis de critiquer, dans tous les forums internationaux, les errances du modèle libéral occidental, qui porterait en lui les déséquilibres financiers responsables de la crise mondiale et aurait prouver son incapacité à rebondir.

Hégémonie contestée

En mars, quelques jours avant la réunion du crucial G20 de Londres, Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la banque centrale chinoise, se permettait de faire trembler le dollar sur les marchés internationaux en remettant en cause dans une tribune l'hégémonie du billet vert. Preuve supplémentaire s'il en est du retour de la Chine sur le devant de la scène mondiale, le forum du G20 auquel elle appartient a définitivement supplanté celui du G8 lors du sommet de Pittsburgh, le 25 septembre, pour gérer les affaires économiques internationales.

Désormais convaincue que la spectaculaire envolée de son PIB prouve, malgré les dangereux déséquilibres qu'elle porte (exportations déprimées, consommation atrophiée, secteur privé brimé_), la force de son modèle de développement et donne à sa diplomatie une nouvelle aura pour résister à la dominance idéologique des grands pays développés, la Chine n'a, à la mi-décembre, pas hésité à refuser toute concession dans les négociations sur le climat, au risque d'être accusée d'avoir sabordé le sommet de Copenhague. Elle a ainsi prouvé que la défense de son agenda allait à l'avenir souvent se heurter aux intérêts autrefois présentés comme « globaux » par les autres puissances, américaine et européennes.

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