Le Monde - A la Une, samedi, 19 décembre 2009, p. 1
A quelques heures de sa clôture prévue officiellement vendredi 18 décembre en fin d'après-midi, la conférence sur le climat de Copenhague s'apprêtait à adopter non pas un texte contraignant, mais une déclaration politique.
Elle a été préparée toute la nuit de jeudi à vendredi par un groupe restreint de 27 chefs d'Etat ou de gouvernement représentatifs de toutes les positions. Ce texte de trois ou quatre pages devait ensuite être soumis à l'assemblée des 193 Etats, en présence du président américain Barack Obama, dernier arrivé dans la capitale danoise. Ce scénario devait permettre de sortir les négociations de l'impasse dans laquelle elles s'enlisaient depuis trois jours. Il a été décidé à l'issue d'une réunion des 27 tenue à huis clos dans l'enceinte du Bella Center après le dîner organisé par la reine du Danemark.
Dans une intervention jeudi après-midi, Nicolas Sarkozy avait réclamé cette réunion anticipée. " Nous ne sommes pas ici à un colloque sur le climat mais pour prendre des décisions. Je demande qu'après le dîner il y ait une réunion des principaux leaders des différentes régions du monde pour enfin négocier sur un texte de compromis ", a-t-il déclaré. Selon le récit du président français, tard dans la nuit, il n'a pas été facile de rallier l'Inde à cette idée. Tout comme la Chine, représentée comme les Etats-Unis, par son ministre des affaires étrangères.Pour être adoptée, cette déclaration politique devait dégager un compromis sur cinq points essentiels : les objectifs de l'accord, les engagements de réductions d'émissions de CO2, l'enveloppe financière nécessaire à la mise en oeuvre de la lutte contre le réchauffement dans les pays en développement, des garanties sur la vérification des engagements pris et l'avenir du protocole de Kyoto.
Autant de sujet sur lesquels les négociateurs réunis depuis deux semaines, puis les ministres entrés en scène mardi soir, ont été incapables de produire le moindre résultat tant l'atmosphère de défiance et de confusion qui s'est progressivement installée a bloqué le processus. La déclaration devait fixer un agenda pour achever la discussion sur les deux textes négociés : l'un dans le cadre du protocole de Kyoto, l'autre dans celui de la convention qui rassemble tous les pays.
La durée du délai fixé pour parvenir à un accord - six mois ou un an - était en discussion. Le texte devra acter que les pays s'engagent à inscrire leurs promesses dans un traité légalement contraignant, faute de quoi l'accord sur le climat ne serait qu'un catalogue de bonnes intentions. Voici les cinq points sur lesquels, le groupe des vingt sept pays doit proposer une voie de consensus.
Acter un objectif de limitation des températures de 2°C maximum. C'est le seuil fixé par les scientifiques pour éviter un emballement de la machine climatique. Cet objectif est admis par tout le monde, sauf par les petits Etats insulaires, exposés à la montée des eaux. Pour eux, un réchauffement de 2°C signifierait que certains d'entre eux seraient rayés de la carte du monde d'ici à la fin du siècle. Ils réclament une limitation de la hausse des températures à 1,5°C. Cette revendication a été actée comme un des éléments à débattre dans le texte servant officiellement de base à la négociation onusienne.
" Pour la plupart d'entre vous c'est un débat théorique, pour nous c'est une question de vie ou de mort ", a répété jeudi Patrick Manning, le premier ministre de Trinidad et Tobago. Les pays insulaires abandonneront donc très difficilement leur position. A moins que la pression des autres pays, en particulier de l'Australie, ne soit trop forte. De l'argent pour l'adaptation contre l'abandon des 2°C : c'est ainsi le marché qui aurait été mis entre les mains de Nauru, un Etat insulaire du Pacifique. L'autre hypothèse serait de renvoyer le débat à plus tard, à la lumière des nouveaux travaux scientifiques du groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution. du climat (GIEC). Celui-ci doit publier son prochain rapport en 2014.
Quels engagements ? pour avoir une chance sur deux de limiter la hausse des températures, il faut diviser par deux les émissions mondiales de CO2 d'ici 2050 par rapport à 1990. Les pays développés doivent pour leur part aller jusqu'à 80 %. Cet engagement à long terme a été acté par les pays du G8. Mais les pays en développement refusent d'y souscrire tant que les pays développés ne s'engagent pas sur des objectifs intermédiaires crédibles. Soit une baisse des émissions comprise entre 25 % et 40 % d'ici 2020.
Or les promesses aujourd'hui sur la table sont de l'ordre de 16 %. Dans une note confidentielle du 15 décembre, le secrétariat de la convention climat constate qu'au total - en prenant aussi en compte les chiffres annoncés par les pays émergents - " les émissions globales resteront sur une trajectoire insoutenable qui pourrait conduire à une hausse de 3°C des températures ".
Les Etats-Unis qui prévoient de réduire leurs émissions de CO2 de seulement 4 % d'ici 2020 sont les principaux accusés. Sauf coup de théâtre, Barack Obama, ne réévaluera pas son offre. Un pas de l'Union européenne (UE), qui laisse toujours planer la possibilité de remonter ses engagements de 20 % à 30 %, est envisagé. Jeudi soir, les 27 devaient une nouvelle fois se réunir pour aborder la question, mais les divisions restaient importantes.
Qui paiera ? Le sujet est longtemps resté le gros point de blocage de la négociation, mais les choses ont avancé. Il est admis que pour répondre aux besoins d'adaptation des pays les plus pauvres, il faudrait rassembler 10 milliards de dollars par an entre 2010 et 2012, fin de la première période d'engagement du protocole de Kyoto. Ce montant n'est pas loin d'être atteint avec les contributions promises par le Japon, l'UE et les Etats-Unis. A plus long terme, après des bagarres de chiffres fondées sur des évaluations variant de plusieurs centaines de milliards de dollars, l'Afrique a fait retomber les enchères en se rangeant à la proposition britannique de 100 milliards de dollars d'ici 2020." C'est parce que nous avons plus à perdre que nous devons être plus flexibles ", a déclaré le premier ministre éthiopien Meles Zenawi au nom de l'Afrique. Jeudi, les Etats-Unis ont indiqué qu'ils pourraient prendre une part du fardeau. Où seront puisés ces 100 milliards de dollars ? Aucune réponse précise n'est pour l'heure apportée. Des pistes sont évoquées, comme la création d'une taxe sur le transport maritime et aérien.
Qui vérifiera que les promesses sont tenues ? La bataille du MRV, (pour " mesure, reporting, et vérification "), alimente la chronique de la conférence depuis dix jours et oppose les Etats-Unis et la Chine. Les premiers veulent que l'ensemble des mesures d'atténuation des changements climatiques soient soumises à un système de contrôle indépendant. La seconde rétorque que dès lors que ces mesures ne sont pas soutenues financièrement par des fonds étrangers, il n'est pas question de les soumettre à un contrôle extérieur. Il faudra que chacun fasse un pas pour débloquer la situation.
Comment lier les pays dans un accord contraignant ? Aux yeux des pays en développement, le protocole de Kyoto est le seul instrument juridique contraignant qui leur garantit que les pays industrialisés respectent leurs engagements. Ils posent donc comme condition à un accord l'inscription des promesses de réduction d'émissions dans une seconde période d'engagement allant de 2013 à 2020.
Cela est exclu pour les Etats-Unis, qui n'ont pas ratifié le protocole. Le Japon, l'Australie et le Canada envisagent plutôt de sortir du protocole, et les Européens - qui seraient les plus disposés à satisfaire les pays en développement - ne veulent pas se retrouver seuls dans ce carcan. C'est le point le plus compliqué de la discussion. Les pays en développement n'accepteront pas un tour de passe-passe.
Laurence Caramel et Arnaud Leparmentier
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