Ils ressemblent à des Shinkansen (le train à grande vitesse japonais), sont constamment pleins et relient un nombre croissant de grandes villes chinoises : Fuzhou n'est plus qu'à une heure quarante de Wenzhou, la grande ville commerçante du Zhejiang, elle-même reliée à Ningbo, dans le nord-est de la même province, en moins d'une heure trente - des trajets qui auparavant prenaient, au bas mot, une demi-journée chacun. Tianjin est à une demi-heure de Pékin, et Shanghaï sera bientôt à moins de cinq heures de la capitale, contre dix heures aujourd'hui.
Ayant planifié de construire, d'ici à 2012, 42 lignes de trains à grande vitesse, soit 13 000 km de chemin de fer, la Chine a mis les bouchées doubles : nombre de projets sont en avance sur l'échéancier, grâce en grande partie au plan de relance. Partout, de nouvelles gares, gigantesques, sont sorties de terre.
Même chose pour les lignes de métro : plusieurs dizaines de villes sont en train de se doter d'un réseau ou d'étendre celui qui existe déjà. Ponts et autoroutes font aussi l'objet d'investissements colossaux. Cette nouvelle mobilité a un formidable effet d'accélération sur les régions à revenus élevés, mais aussi sur le désenclavement de l'intérieur du pays. Elle suscite la création de toutes sortes de nouveaux services.
Comme le Japon de la fin des années 1970, la Chine entre dans l'ère de l'hypermodernité logistique. Couplée à la disponibilité et à la variété de l'offre commerciale dans tous les domaines - le marché chinois attire désormais le meilleur de l'innovation marketing internationale -, à l'essor du commerce électronique (350 millions d'internautes) et au sentiment de découverte associé chez les Chinois à la consommation, cette dynamique contribue à tirer le pays vers un nouveau seuil de développement.
Les investissements dans les infrastructures, en hausse de près de 70 % cette année par rapport à 2008 pour les seuls chemins de fer, contribuent massivement à la croissance du produit intérieur brut (PIB) au-delà du seuil des 8 %, signale une étude récente de la société de conseil Pivot Capital Management.
Tout en pointant la logique politique à l'origine d'une telle expansion, les auteurs de l'étude s'interrogent cependant sur la justification économique de nombre de projets. Et concluent, en calculant le niveau optimal d'équipement correspondant aux critères propres à la Chine (taille et concentration de la population), " qu'il n'est pas du tout évident que la Chine ait besoin de plus de ponts et d'autoroutes ". S'il est raisonnable que le réseau de chemin de fer double en taille, l'effort exceptionnel consenti en 2009 implique que celui-ci devra irrémédiablement diminuer dans les années à venir... au risque de freiner brutalement la croissance.
L'édification de villes nouvelles est un autre domaine où les projets non seulement pullulent, mais sont souvent déjà en chantier. Au sud de Tangshan, le grand port du nord-est de la Chine, près de 120 000 ouvriers s'affairent jour et nuit sur le plus grand chantier du monde : celui de la ville écologique de Caofeidian. 10 milliards de yuans (1 milliard d'euros) ont été engloutis dans les travaux démarrés en mars, selon Li Kejun, directeur du comité de construction.
Immeubles et infrastructures couvrent déjà une zone de 30 km2, qui sera à terme portée à 150 km2. La ville est prévue pour 500 000 habitants. Ses concepteurs promettent le recyclage à 100 % des déchets urbains et une usine de bus électriques.
Rien ne pourrait mieux illustrer la folie des grandeurs de la Chine, et ses paradoxes : Caofeidian est en bordure d'une gigantesque zone industrielle, bâtie sur des polders semi-artificiels et dotée de terminaux pétroliers et gaziers réservés à la pétrochimie et aux industries lourdes, qui a absorbé près de 50 milliards de yuans d'investissements de janvier à octobre 2009. En toute logique, la ville en accueillera les employés. Certaines de ces industries sont toutefois en surcapacité. La durabilité au nom de laquelle s'édifie Caofeidian est pour le moins un pari... osé.
Brice Pedroletti
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