jeudi 28 janvier 2010

Échanges de tirs coréens en mer Jaune - Sébastien Falletti

Le Figaro, no. 20370 - Le Figaro, jeudi, 28 janvier 2010, p. 7

Pyongyang fait monter les enchères avant de négocier avec Séoul et Washington.

Rien ne vaut une pincée de provocation militaire pour arriver en position de force à la table des négociations. Fidèle à une stratégie éprouvée, la Corée du Nord a fait monter brusquement la tension, hier, face à sa rivale du Sud dans les eaux disputées de la mer Jaune. Le matin, l'Armée populaire a tiré une trentaine d'obus à la limite de ses eaux territoriales, déclenchant immédiatement une centaine de coups de semonce des canons sud-coréens postés sur les îles d'alentour. « Cela doit cesser immédiatement », s'est étranglé, à Séoul, le ministre de l'Unification, Hyun In-taek. Peine perdue, quelques heures plus tard, les Nord-Coréens tiraient une nouvelle salve, sous couvert d'exercice militaire destiné à parer à toute éventuelle invasion des « va-t-en-guerre » capitalistes. Avant de promettre de nouveaux tirs.

Depuis un accrochage naval le 13 novembre, qui avait laissé un navire communiste en flammes, la tension est à son comble sur les eaux boueuses de la mer Jaune. Plus que jamais, Pyongyang dénonce la frontière maritime tracée par un général américain à la fin de la guerre de Corée, en 1953. Soixante ans après le début des hostilités, la Corée du Nord exploite cet ancien contentieux, estiment les experts, pour affermir sa position de négociation alors qu'elle s'apprête à reprendre les discussions avec sa rivale du Sud et les États-Unis. « C'est du classique, ils font monter les enchères », décrypte à Séoul une source occidentale qui a ses entrées à Pyongyang.

Alors que les obus pleuvaient, la propagande réaffirmait dans un communiqué l'urgence d'établir un traité de paix avec Washington. Un objectif qui, selon la Maison-Blanche, ne pourra être envisagé qu'une fois obtenus de Kim Jong-il des concessions sur le nucléaire et son retour aux pourparlers à six (incluant également la Chine, la Corée du Sud, le Japon et la Russie) qu'il boycotte depuis avril dernier. Des conditions américaines jugées « insolentes » par le Minju Chosun, journal du régime, qui exige également la levée des sanctions imposées par l'ONU après le second essai atomique conduit par Pyongyang en mai.

Monnayer un rapprochement

Face à cette nouvelle provocation militaire calculée, la Corée du Sud joue la désescalade. Après avoir menacé le Nord de « frappes préventives », la semaine dernière, Séoul n'a pas répondu à la seconde salve d'artillerie communiste. Surtout, Séoul a confirmé la tenue d'une réunion de négociations avec le Nord prévue le 1

février et visant à relancer la coopération dans le parc industriel de Kaesong, où 110 entreprises du Sud emploient 42 000 ouvriers du Nord. Un geste qui témoigne de la volonté nouvelle du président Lee Myung-bak de tisser le dialogue avec son rival communiste.

Partisan d'une ligne dure à son arrivée au pouvoir en 2008, l'ancien PDG de Hyundai prépare en coulisse un rapprochement afin de laisser sa trace dans l'histoire. « Le président veut tenir un sommet intercoréen avec Kim avant la fin de son mandat », confie un haut fonctionnaire sud-coréen. Autre enjeu, la tenue du sommet du G20 à Séoul, prévu en novembre et érigé en priorité nationale par Lee Myung-bak qui exige une amélioration des relations bilatérales afin de s'assurer que le dictateur ne gâchera pas la fête. Une opportunité pour Pyongyang, étranglé par les sanctions, de monnayer un rapprochement et obtenir une aide économique.

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