Le point de vue des chroniqueurs de l'agence économique Reuters Breakingviews.
L'inflexion que la Chine vient de donner à sa politique monétaire montre que Pékin est pris dans un triangle infernal.
Le 12 février, à la veille des congés prolongés du Nouvel An chinois, la Banque populaire de Chine a, contre toute attente, relevé le niveau des réserves obligatoires - le pourcentage des dépôts que les banques doivent placer auprès de la banque centrale. La hausse n'est pas sévère : le taux est passé de 16 % à 16,5 % pour les gros établissements. En outre, la date d'effet étant fixée au 25 février, on peut penser qu'il s'agit en partie d'une mesure technique, destinée à absorber un peu de liquidités à l'issue de la période des festivités.
Il n'en reste pas moins que la Banque populaire de Chine est dans une position inconfortable. Pékin voudrait contenir l'inflation mais cette tâche est ardue. Les prix ont augmenté de 1,5 % en janvier - moins qu'en décembre 2009. Mais le prix des logements urbains a grimpé de 9,5 % en un an, et le volume des prêts bancaires consentis en janvier a été équivalent à celui de l'ensemble du quatrième trimestre 2009.
Le relèvement du niveau des réserves est typique de la banque centrale. Elle a voulu agir mais avec prudence. Cette manière retenue de lutter contre l'inflation montre qu'elle ne veut pas compromettre le second objectif du gouvernement : garder un taux de croissance élevé. Fin 2008, l'assouplissement de la politique monétaire avait permis de compenser partiellement la chute des commandes étrangères. Le produit intérieur brut affiche à nouveau une progression à deux chiffres. Une partie des liquidités injectées a contribué à alimenter l'inflation, mais pour l'essentiel, l'effet a été de stimuler la production de biens et de services.
Lâcher du lest
Certes, la banque centrale chinoise pourrait écouter les Etats occidentaux, qui l'exhortent à réévaluer le yuan. La mesure serait anti-inflationniste - elle diminuerait la valeur des importations, sans forcément nuire à la croissance de l'économie.
Mais elle rendrait moins compétitives les filières d'exportation à fort taux de main-d'oeuvre, entraînant la suppression de postes. Ce qui ne serait pas compatible avec la troisième priorité de Pékin : s'assurer que l'économie crée de l'emploi à un rythme régulier. Le parti unique qui dirige le pays considère que toute recrudescence du chômage est un facteur de risque politique aussi bien qu'économique.
Courir trois objectifs à la fois, c'est peut-être trop, même avec le contrôle du taux de change, de la majorité du système bancaire et d'une bonne partie du secteur industriel. Il faut lâcher du lest quelque part. Une petite bouffée de fièvre sur les prix est peut-être encore préférable à une croissance dégradée ou à la destruction d'emplois.
(Traduction de Christine Lahuec)
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