La question du jour : Barack Obama risque-t-il des représailles chinoises après sa rencontre avec le dalaï-lama ?
Mathieu Duchâtel. Chercheur à Asia Centre à Sciences-Po Paris.
Le président américain devait recevoir hier à la Maison-Blanche le dalaï-lama pour un entretien privé loin des caméras, mais qui n'en suscite pas moins l'ire de Pékin. La Chine accuse le dirigeant spirituel tibétain en exil de séparatisme et a prévenu qu'une telle rencontre nuirait aux relations déjà tendues entre Pékin et Washington.
« Il est difficile de savoir aujour-d'hui quelle sera la riposte chinoise à la rencontre d'Obama avec le dalaï-lama. On se souvient des répercussions négatives sur les relations franco-chinoises après la rencontre du président Sarkozy et du dalaï-lama en Pologne en 2008. Des visites officielles avaient été annulées, les magasins Carrefour en Chine ont été boycottés, il y a eu en France des manifestations d'étudiants chinois. Peut-on s'attendre au même genre de réactions chinoises à l'égard des États-Unis ? On a déjà vu que Pékin a annoncé la rupture de la coopération militaire avec Washington à la suite du contrat d'armement signé avec Taïwan, mais on ne sait pas encore si elle est déjà vraiment interrompue. On peut souligner toutefois que la réaction chinoise est plus forte que d'habitude. Mais, de la même façon, la politique américaine à l'égard de la Chine se durcit elle aussi.
Barack Obama veut reprendre la main avec plus de fermeté afin de calmer les Chinois et d'arriver à un assouplissement dans leur relation. On peut toutefois envisager deux hypothèses à la suite de cette rencontre à la Maison-Blanche avec le dalaï-lama. On peut rester dans l'ordre du symbolique, en repoussant par exemple la visite prévue aux États-Unis du président Hu Jintao et en bloquant les marges de manoeuvre de l'ambassadeur américain à Pékin. Autrement dit, on fait beaucoup de bruit, mais sans conséquence grave. On peut aussi imaginer une gradation plus forte, touchant les intérêts économiques américains en Chine et cherchant à faire peur. C'est à voir. Enfin, il pourrait y avoir des conséquences lourdes sur les autres dossiers sino-américains, comme le rôle de la Chine en Iran, en Afghanistan ou en Corée du Nord. C'est aussi une option.
Mais si les États-Unis ont clairement besoin de la Chine, cette dernière a également besoin des États-Unis, notamment en ce qui concerne l'accès aux hautes technologies, un soutien à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou les avoirs chinois aux États-Unis. Clairement, la Chine n'a pas intérêt à radicaliser sa position. Je pense que la polémique restera cantonnée à la question des droits de l'homme sans s'étendre aux autres dossiers des relations sino-américaines. Ce serait un signe de plus grande maturité dans les relations bilatérales de ces deux grandes puissances. »
Recueilli par Dorian Malovic
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