Le point de vue de l'agence économique et financière Reuters Breakingviews
Ces temps-ci, on a l'impression qu'il ne se passe pas un jour sans que les autorités chinoises n'imposent une nouvelle contrainte au crédit bancaire. La dernière en date consiste à établir un quota mensuel distribuable et à exiger des banques la déclaration journalière des montants accordés. Mais de telles mesures sont tout simplement contre-indiquées.
Le crédit est une des dernières choses qui soient encore soumises à un régime de rationnement en Chine. Le gouvernement définit les ratios de solvabilité requis des établissements bancaires et il fixe les taux d'intérêt, mais en réalité, il s'occupe essentiellement de préserver la marge des banques sur les crédits. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu'elles cherchent à prêter le plus possible, d'autant que l'Etat s'est toujours montré disposé à recycler leurs créances douteuses.
Pékin a choisi de réagir en brandissant des quotas, et pourtant, la manière forte n'est pas nécessairement la meilleure des méthodes. Premièrement, parce qu'un jeu de quotas trop rigoureux crée des distorsions, aussi bien du côté de l'offre que de celui de la demande. A partir du moment où le crédit est rationné, les entreprises se précipitent pour contracter de nouveaux emprunts, de peur de ne plus pouvoir y prétendre plus tard.
Deuxièmement, donner un tour de vis plus strict reviendrait à sevrer les entreprises de capitaux, puisque les sociétés contrôlées par l'Etat bénéficient d'un accès prioritaire au financement par les banques. Le mécanisme jouerait précisément à l'encontre de la politique du gouvernement, qui souhaite que la dépense privée se substitue à la dépense publique.
Troisièmement, les dirigeants politiques chinois ne disposent pas de suffisamment de données pour ajuster les contraintes de façon adéquate. Il est bien plus aisé de contrôler l'activité en jouant sur le coût du crédit plutôt que sur sa quantité. De toute façon, les banques trouveront toujours un moyen de contourner le système.
Le bras de fer qui se déroule en ce moment est emblématique. Certes, les pouvoirs publics ont d'abord instauré un quota annuel, puis resserré progressivement la contrainte en le rendant mensuel, mais on ne voit pas comment ils pourront empêcher les établissements bancaires de continuer à faire feu de tout bois aussi longtemps que les quotas seront de rigueur. Plus les prêts démarrent tôt, plus les intérêts qu'ils portent sont rémunérateurs.
La Chine a besoin d'un système bancaire plus solide. Au lieu de s'entêter à rester dans le même vieux schéma, l'Etat devrait évoluer en relevant les taux d'intérêt et en adoptant des stratégies de régulation plus subtiles, pour laisser les mécanismes de marché contribuer davantage à la solution.
Wei Gu
(Traduction de Christine Lahuec)
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