Dans son second rapport sur la Chine, l'OCDE presse la Chine de rééquilibrer son économie. Elle prône ainsi des dépenses gouvernementales accrues, notamment en matière sociale, afin de soutenir la demande interne face aux exportations. Devant les risques inflationnistes, l'organisation appelle la Chine à laisser sa monnaie s'apprécier.
A la recherche du consommateur chinois. Apportant de l'eau au moulin des Occidentaux, qui exhortent actuellement Pékin à jouer pleinement son rôle de moteur de la croissance économique mondiale, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) préconise le rééquilibrage de l'économie chinoise par le soutien de la demande interne. Dans son second rapport sur la Chine, publié hier, l'Organisation recommande que la Chine continue d'actionner le levier budgétaire, s'affranchisse de sa dépendance aux exportations et laisse le yuan s'apprécier afin de corriger les déséquilibres de l'économie chinoise.
Parmi ces déséquilibres, un très fort taux d'épargne, tant de la part de l'Etat que des ménages. Ainsi, entre 2002 et 2007, la part de la consommation des ménages dans le PIB est passée de 43,7 % à 35,6 %, d'après son rapport. Dans le même temps, le taux d'épargne des ménages a grimpé de 10 points à 37,9 %. Quand le consommateur chinois s'éveillera-t-il ?
C'est une question à laquelle le gouvernement chinois a déjà commencé à s'attaquer, notamment à cause des conséquences de la crise financière sur la demande mondiale. « La Chine a lancé plusieurs réformes qui commencent à porter leurs fruits, en soutenant la demande interne face à la récession mondiale, en aidant à réduire les déséquilibres macroéconomiques internes et externes et en restructurant l'économie chinoise », résume ainsi l'OCDE. Une voie dans laquelle la Chine doit persévérer, plaide l'organisation.
Réformes sociales ambitieuses
« Une fois la relance budgétaire atténuée, le gouvernement chinois ne doit pas revenir à une politique budgétaire conservatrice » telle que celle menée entre 2000 et 2007, a ainsi prévenu l'économiste Richard Herd lors de la présentation du rapport à Pékin. La Chine ne doit donc pas resserrer les cordons de la bourse, d'autant plus qu'elle en a les moyens. Alors qu'en Europe et aux Etats-Unis, la dette ne permet pas de marge de manoeuvre et force les Etats à une nécessaire rigueur budgétaire, la Chine « peut se permettre la dépense car ses finances publiques sont fortes », défendent les auteurs du rapport. Compte tenu d'une prévision de forte croissance - 10,2 % en 2010 - l'OCDE prévoit ainsi que le déficit public n'excédera pas 3 % du PIB en 2011. Plaidant pour des « réformes sociales ambitieuses », l'organisation préconise notamment d'augmenter les dépenses en matière de sécurité sociale, de retraite ou d'éducation. Mais rééquilibrer l'économie par la demande interne passe aussi par la « réduction de la forte dépendance aux exportations observée depuis quelques années », soulignent les auteurs de l'étude. Dans cette perspective, « le taux de change réel devra s'apprécier, tel que c'est le cas pour les économies en rattrapage » comme celle de la Chine. Dès lors, deux alternatives : une appréciation nominale ou bien une appréciation par l'inflation. L'OCDE plaide pour la première option autant qu'elle craint la deuxième.
« Les risques inflationnistes arrivent de façon préoccupante », a ainsi indiqué l'économiste en chef de l'OCDE, Pier Carlo Padoan, soulignant qu'il faudra « les surveiller de près ». De fait, les prix de l'immobilier, en forte hausse dans les grandes villes du pays, suscitent l'inquiétude croissante des analystes quant à l'existence d'une bulle. Hier, l'économiste indépendant Andy Xie, spécialiste de la Chine, s'est alarmé de l'éclatement potentiel d'une telle bulle, créée par l'assouplissement, depuis la crise, du crédit dans le pays.
ENCADRÉ - ÉDITORIAL :
L'OCDE appelle Pékin à dynamiser le moteur interne de sa croissance · La création d'une bulle inquiète les économistes · La tension monte entre la Chine et les Etats-Unis, sur le plan diplomatique mais aussi commercial
Les appels à un rééquilibrage de la croissance chinoise se multiplient. Hier, l'OCDE a apporté de l'eau au moulin des Occidentaux, qui mettent régulièrement en cause la Chine pour ses excédents commerciaux excessifs et pour sa monnaie sous-évaluée. Dans son deuxième rapport sur l'empire du Milieu, l'organisation dresse le portrait d'un pays dont l'expansion économique repose trop sur la consommation extérieure. Une situation qui tient notamment au fait que le yuan, sous-évalué, ne permet pas à la consommation des ménages de prendre le relais. L'OCDE salue toutefois les efforts de Pékin dans la crise financière et l'appelle à augmenter encore ses dépenses sociales. Celle qui est en train de devenir la deuxième économie mondiale n'entend toutefois pas se faire dicter sa conduite, comme l'illustre la multiplication des tensions entre Pékin et Washington. Dernier exemple en date, le projet américain de vendre pour 6,4 milliards de dollars d'équipements militaires à Taiwan a outré les autorités chinoises, qui menacent de représailles les fournisseurs américains. La relation entre les deux géants mondiaux apparaît de plus en plus cruciale et menace de marginaliser progressivement l'Union européenne, comme en témoigne l'absence programmée de Barack Obama au prochain sommet Etats-Unis Europe.
JESSICA BERTHEREAU
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