lundi 22 février 2010

Le chinois Shandong Ruyi à l'affût de marques occidentales - Valérie Leboucq

Les Echos, no. 20620 - Les stratégies, lundi, 22 février 2010, p. 13

Vendre aux Américains et aux Européens ne suffit plus aux grands opérateurs textile de Chine continentale, qui veulent profiter de l'essor de leur propre marché.

Le « made in China » n'a pas bonne presse. Problèmes de qualité, nocivité de certains composants, suspicions de contrefaçon... La liste est longue des doléances adressées aux productions bon marché qui emplissent les rayons de supermarchés. Au passage, on oublie que les marques « premium » et de luxe ont largement délocalisé leur fabrication dans l'empire du Milieu, élevant de ce fait les standards de fabrication. On oublie aussi que les industriels chinois, aidés par la puissance publique, ne nous ont pas attendus pour investir dans la R&D et le style.

Démonstration avec Ruyi, groupe textile basé à Shandong à 400 km au nord de Pékin, qui exposait pour la deuxième fois à Première Vision, il y a une dizaine de jours à Paris. Un signe qui ne trompe pas. Car n'entre pas qui veut dans le plus couru des Salons textiles mondiaux. Créé il y a une vingtaine d'années par les soyeux lyonnais, le petit cercle des exposants s'est élargi aux tisseurs italiens, suisses, japonais, et aux meilleurs des pays émergents. Aux plus innovants et créatifs aussi. Designers, stylistes et créateurs de mode s'y précipitent pour puiser idées et inspiration.

La carte de visite de Ruyi ? Quelques liasses d'échantillons de « baby cachemire » (issu de la première tonte des chevreaux) et de laine mérinos ultra fine pour costumes d'été chic. Aussi bien que les plus grands « faiseurs » italiens, les Zegna, Loro Piana. Mieux même, assure le « chairman » de Ruyi, Qiu Yafu, qui explique que la R&D de son groupe emploie une cinquantaine de docteurs et ingénieurs à plein temps.

Lainage ultraléger

Sa botte secrète, une nouvelle technique de filature à partir de seulement 11 brins de fibre (au lieu de 30) permettant d'obtenir des qualités de lainage ultraléger « super 200 » et « super 300 » à un coût moindre, avec en bonus des possibilités accrues de mélange à d'autres fibres comme la soie, le coton ou le lin. Le genre d'innovation qui ne passe pas inaperçue des grands donneurs d'ordre de la confection masculine, clients de Ruyi, Hugo Boss, Burberry, Armani ou Celio, lesquels achètent la quasi-totalité de leurs tissus en Chine et y sous-traitent la fabrication de leurs vêtements.

Vaste conglomérat - 20.000 salariés pour un chiffre d'affaires déclaré de 2 milliards de dollars -, Ruyi est présent à tous les stades de la filière textile, de la production de fil à la confection en passant par le tissage de laine, coton, polyester, etc. La laine représente 30 % de son activité totale, avec une production annuelle de quelque 12 millions de tonnes de tissus qui sortent de ses ateliers de Jiling, ville natale du sage Confucius.

Fort de son expérience de façonnier, Ruyi, comme d'autres opérateurs textile au profil comparable (Sunshine, Youngson) a décidé de franchir une nouvelle étape : se doter d'un réseau de boutiques en propre pour profiter de l'expansion très rapide du marché chinois. L'an dernier, les ventes de confection, tous secteurs confondus (hommes, femmes, enfants) ont enregistré une progression de 16 %.

Prise de contrôle de Tombolini

Pour aller plus vite, le groupe veut acquérir des marques occidentales qui jouissent toujours d'un prestige inégalé dans l'empire du Milieu. « C'est un passage obligé », analyse Pascal Senkoff, « general manager » Asie de la société Australian Wool Innovation Ldt., émanation des labels Woolmark et Australian Merino, dont 75 % des débouchés sont assurés par la Chine, loin devant l'Inde et l'Italie.

Conseil de Ruyi, il constate que si les industriels ont maintenant « des outils de production et des capacités d'innovation digne des meilleurs, il leur reste de gros progrès à faire en matière de marketing, de merchandising et d'image ». Ruyi a commencé ses emplettes en prenant récemment le contrôle de Tombolini, un grand de la confection italienne masculine qui battait de l'aile. « C'est le genre de cible qui nous intéresse », déclare sans façon son patron.

Avis aux candidats au rachat, d'autant que le groupe semble disposer de gros moyens avec, en prime, le soutien des autorités chinoises. Celles-ci, assure son président, auraient mis à sa disposition la coquette somme de 250 millions d'euros !

VALÉRIE LEBOUCQ

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