Le pavillon français de l'Exposition universelle de Shanghaï, qui ouvrira ses portes pour six mois le 1er mai, souffre-t-il de la pingrerie des grandes entreprises françaises ? Ces groupes sont-ils dénués de tout sentiment d'appartenance nationale ?
José Frèches, le président de la Compagnie française pour l'Exposition universelle de Shanghaï (Cofres), a récemment fulminé, dans les colonnes du Midi libre du 27 janvier, contre les " Carrefour, Alstom, Airbus, Areva, Air Liquide, Danone, Veolia Environnement, Accor, BNP Paribas... qui n'ont pas mis la main au pot malgré de multiples sollicitations de ma part ".
Selon M. Frèches, le budget global du pavillon français est de 50 millions d'euros, la part de l'Etat étant passée de 25 à 35 millions d'euros. Restent 15 millions d'euros, qui auraient dû venir des grandes entreprises. A l'exception du laboratoire Sanofi-Aventis, du groupe de luxe LVMH, et du cimentier Lafarge, qui ont réglé sans discuter le ticket d'entrée de 1,5 million d'euros, les autres ont décliné.
Le groupe agroalimentaire Danone et le distributeur Carrefour rechignent à commenter leur refus. Air Liquide se justifie par le fait que sa communication grand public est proche de zéro et qu'en " période de réduction des coûts de 200 millions d'euros, de gel des embauches et des salaires, pareille dépense serait mal perçue en interne ". Le fabricant de gaz affirme toutefois être prêt à discuter d'un ticket d'entrée moins élevé.
Le groupe nucléaire Areva explique, lui, qu'il " ne peut pas être partout " : " Nous avons été le mécène de l'Année de la Turquie en France et de l'Année de la France au Brésil. Nos partenariats en Chine sont multiples... " Alors un de plus, fût-ce le pavillon France...
Un porte-parole du fabricant de turbines et matériel ferroviaire Alstom indique " que le groupe est présent en Chine depuis cinquante ans, qu'il dispose de plusieurs coentreprises, gère 6 000 salariés et noue des partenariats multiples ". Mais là encore, " entre diverses opérations de communication, nous arbitrons ". Le responsable d'un groupe de communication, sous couvert d'anonymat, indique qu'" on n'imagine pas le nombre de sollicitations auxquelles les grands groupes sont soumis ".
BNP Paribas justifie aussi son refus par le fait qu'elle finance déjà le grand dictionnaire encyclopédique de l'Institut Ricci de Taïpei (Taïwan), la première Fête de la musique en Chine le 21 juin, le parrainage d'un concert dirigé par Hervé Niquet, star mondiale de la musique baroque... Soit diverses opérations de communication, dont certaines ont été proposées à M. Frèches en lieu et place de cash. Mais sans succès. Nombre d'entreprises ont fait remarquer que leur attitude eût sans doute été moins négative si la demande avait été faite " avec moins d'arrogance et un peu plus de contenu compte tenu de la somme demandée ".
Pendant que le pavillon français peine à trouver des fonds, Pavillon France Télévision, la chaîne française qui doit émettre insitu pendant toute la durée de l'exposition, ne rencontre pas les mêmes difficultés. Pourtant, elle aussi est uniquement " financée par les entreprises ", reconnaît son promoteur Cyril Viguier, ancien directeur délégué aux programmes de La Cinquième. Son budget, d'environ 3 millions d'euros, a été notamment apporté par LVMH, Sanofi-Aventis, le groupe de service aux collectivités Veolia, ou encore le site Allociné.
M. Viguier a commencé de produire les premiers programmes. Pour séduire les " 100 millions de visiteurs attendus à l'Exposition et être la chaîne française la plus vue au monde pendant six mois ", Pavillon France Télévision mise sur le charme français. Comme parrain, elle a choisi Alain Delon, l'acteur français le plus populaire en Chine depuis son interprétation de Zorro... en 1975.
Dans une Chine réputée pudibonde, la chaîne française devrait connaître un certain succès grâce à des programmes tels que " Dix ans de sensualité dans le cinéma français ", consacré aux plus belles actrices à l'affiche entre 2000 et 2010. Pour rentabiliser ce projet, la chaîne compte commercialiser ces programmes auprès des télévisions chinoises dès la fin de l'exposition.
Guy Dutheil et Yves Mamou
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