La République populaire a trouvé dans l'épreuve de saut en ski acrobatique un des plus sûrs moyens de briller sur la neige.
Sur ses skis, Li Nina a écrit au feutre noir « Too fast to live » (« Trop rapide pour vivre ») sur l'un et « Too young to die » (« Trop jeune pour mourir ») sur l'autre. « Cela vient de l'un de mes chanteurs préférés, un Coréen, G-Dragon », précise-t-elle. À 27 ans, la jeune femme a surtout l'âge de devenir la première Chinoise à devenir championne olympique aux Jeux d'hiver sur de la neige chez les femmes, une semaine après le titre du couple Shen Xue-Zhao Hongbo, en patinage artistique, une autre première pour la République populaire.
Chaussures roses et casque noir, avec un discret drapeau rouge sur le col de sa combinaison, cette sportive au gabarit de poche (1 m 60 pour 50 kg) excelle dans la discipline du saut en ski acrobatique. Déjà deuxième il y a quatre ans à Turin, triple championne du monde (en 2005, 2007 et 2009) et actuellement en tête de la Coupe du monde, elle a peu de rivales dans l'art d'exécuter des figures aériennes sous l'oeil de juges après avoir pris son envol depuis un tremplin.
Si Li Nina devait défaillir en finale, mercredi, trois autres de ses compatriotes figurent parmi les douze finalistes pour la suppléer : Guo Xinxin, Cheng Shuang et Xu Mengtao (1). Chaque membre de ce quatuor peut espérer imiter Han Xiaopeng, qui a été, de son côté, le premier Chinois sacré aux JO hivernaux chez les messieurs, en 2006, toujours dans la même spécialité. Le tenant du titre doit encore entrer en lice aujourd'hui à Cypress Mountain pour le tour de qualification, flanqué de deux coéquipiers, Jia Zongyang et Qi Guangpu. Tous des candidats à la victoire.
Avec le saut, la Chine a trouvé le plus court chemin vers les podiums enneigés, sans avoir à cultiver une longue tradition alpine. Sans que cela ne nécessite, non plus, de former de bons skieurs. D'ailleurs, certains sauteurs sont équipés de planches sans carres, avec lesquelles il est juste possible d'aller tout droit. « Il faut tout de même être capable d'arriver au tremplin à 60 km/h, avec un bon équilibre, et de maîtriser la réception », modère Edgar Grospiron, champion olympique en 1992 d'une autre épreuve de ski acrobatique, les bosses, présent sur le site en tant que consultant de France Télévisions et directeur du comité de candidature d'Annecy aux Jeux de 2018 (lire p. 28).
Mais l'essentiel du succès se joue ailleurs, en l'air. De ce côté-là, les dirigeants sportifs chinois ont puisé dans leur immense réservoir de gymnastes et d'adeptes du trampoline ou du tumbling. Pas besoin de leur enseigner les bases de l'acrobatie. Ils ont aussi recruté en 2004 un homme de l'art venu du Canada, Dustin Wilson. « La Chine cible ses efforts sur les sports où elle peut gagner et elle oublie ceux où il faut beaucoup d'argent et où elle ne gagne pas », résume ce dernier.
D'autres pays qui ne brillent guère dans le ski traditionnel ont appliqué la même formule. Sur les 12 finalistes, outre quatre Chinoises et trois Américaines, il y aura aussi trois Australiennes et deux représentantes de la Biélorussie, dont Alia Tsuper, qui a dominé les qualifications devant Li Nina. Cet État est d'ailleurs aussi en course pour une médaille d'or masculine avec Anton Kushnir, grand favori de la compétition. La France, elle, n'avait pas le moindre concurrent engagé. Ni chez les dames, ni chez les messieurs.
Le saut acrobatique tricolore a pourtant connu son heure de gloire, avec Didier Méda, 3e en épreuve de démonstration à Albertville en 1992, et Sébastien Foucras, médaillé d'argent aux Jeux de Nagano en 1998. « C'est vraiment dommage, mais c'est terminé, constate Rémi Sella, le directeur sportif du ski acrobatique à la Fédération française de ski. Il y a eu une cassure après Nagano en 1998. Il n'y a plus de relève, plus de structure d'entraînement, plus de compétition et les cadres techniques n'ont pas été remplacés à leur départ à la retraite. »
Alors que la nouvelle génération est davantage attirée par des épreuves encore plus « fun » et moins strictes, comme le « big air », il n'est pas certain non plus que la spécialité fasse long feu au programme olympique. « Le saut sera encore là à Sotchi en 2014, mais cela va devenir moins intéressant pour le Comité international olympique s'il n'y a pas plus de nations au plus haut niveau », poursuit le responsable français. Cela laisse encore le temps à Li Nina et à ses émules d'attraper des médailles la tête en bas.
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