Barack Obama reçoit le dalaï-lama aujourd'hui à la Maison-Blanche. La Chine, furieuse, a demandé l'annulation de cette rencontre. Mais que redoute le régime de Pékin?
On comprend mal comment ce chef tibétain, à l'allure frêle et au visage débonnaire, pourrait mettre en danger la force démographique, militaire, commerciale et désormais diplomatique de l'empire du Milieu.
En recevant le dalaï-lama, le président américain touche, en fait, à l'un des piliers sur lesquels le Parti communiste chinois fonde sa légitimité : l'unité nationale. La longue histoire du pays a montré qu'elle n'allait pas toujours de soi. Depuis Mao, sa défense est une exigence permanente.
Vu d'Occident, le fabuleux essor économique de la Chine communiste est à la fois un sujet d'émerveillement et d'inquiétude. Ce mastodonte de 1,3 milliard d'habitants étonne par sa rapidité d'adaptation au capitalisme, qui n'a d'égale que sa volonté de puissance. Vu des rives du Yang Tsé Kiang, ces atouts sont plus fragiles qu'il n'y paraît.
La modernité éclatante et ultramédiatisée des mégapoles côtières, de Pékin à Canton, ne doit pas faire oublier le retard des campagnes intérieures. Chaque année, le pouvoir doit réprimer des milliers de jacqueries. Les paysans veulent partager le festin des citadins. À ces révoltes de la misère s'ajoute, se superpose parfois, l'expression de minorités ethniques. C'est le cas notamment des Ouïgours, d'origine musulmane, qui ont fait parler d'eux l'été dernier. Et, bien sûr, des Tibétains, société au mode de vie archaïque, mais dont le chef est assuré d'une sympathique publicité planétaire. Sans même parler de Taïwan, la dissidente.
La Chine, un géant aux pieds d'argile? L'expression est facile, excessive. Mais le régime communiste saisit toutes les occasions pour magnifier l'unité du pays et exciter la fierté nationale de ses peuples réunis. Il y eut le succès des Jeux olympiques de Pékin, en 2008; il y a l'Exposition universelle de Shanghaï cette année, et la perspective de jouer les premiers rôles dans la conquête spatiale.
Obama n'ignore rien de cette réalité. Et tente de l'exploiter à son avantage. Ainsi, pour lui, la réception du dalaï-lama est-elle bien plus une carte, une monnaie d'échange dans son dialogue avec Pékin qu'une manifestation de défense des droits de l'homme.
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