mercredi 24 mars 2010

Comment le Québec attire les étudiants français - Jean-Claude Lewandowski

Les Echos, no. 20643 - Les stratégies, jeudi, 25 mars 2010, p. 10

De plus en plus d'étudiants de l'Hexagone choisissent d'effectuer tout ou partie de leurs études au Québec. La Belle Province, il est vrai, dispose de solides arguments. En premier lieu, la qualité de ses universités et de sa pédagogie.

Plus de 20.000 jeunes Français tentent, chaque année, l'aventure des études au Québec. Et le chiffre augmente régulièrement. Pourquoi cette ruée sur les universités de la Belle Province ? Comment expliquer cet engouement ? C'est que l'enseignement supérieur québécois offre aux étudiants venus de l'Hexagone un cocktail particulièrement alléchant - au point qu'il constitue, par bien des aspects, une antithèse du modèle français. Un signe, d'ailleurs : les Québécois qui étudient en France ne sont, eux, que quelques centaines. Voici un rapide inventaire des « bonnes raisons » d'aller décrocher un diplôme chez nos « cousins » québécois.

x L'international_ juste ce qu'il faut

Partir au Québec, c'est d'abord s'offrir une authentique expérience internationale. L'occasion de quitter le domicile familial, ses amis et sa « zone de confort », pour se frotter à une autre façon de penser et de travailler. Une façon d'acquérir son autonomie, donc. Situé à bonne distance de la France (pas question de revenir se faire « cocooner » tous les quinze jours), le Québec permet de « découvrir » l'Amérique et son mode de vie - mais dans un pays mâtiné de culture européenne. Largement bilingue, le Québec permet en outre de perfectionner son anglais, tout en restant en terrain francophone familier. « Le multiculturalisme est au coeur de la société québécoise », ajoute Michèle Glémaud, directrice du recrutement de l'université de Montréal (UdeM). Atout supplémentaire, le pays est sûr : le taux de criminalité est l'un des plus bas d'Amérique. Bref, un dépaysement bien dosé. Rien à voir avec l'Irlande (trop proche), la Chine (si différente), l'Australie (lointaine), la Colombie (très risquée)_

x Un enseignement de qualité

« Nous sommes à proximité immédiate de Boston, de New York et même de Chicago, relève Michel Patry, directeur d'HEC Montréal. Nos proches voisins et concurrents s'appellent Harvard, Wharton ou Chicago Booth. Cet environnement nous sert d'aiguillon. » Conséquence, les universités québécoises s'appliquent à délivrer un enseignement de haut niveau. Premier ingrédient : la proximité avec les entreprises. « Conformément au modèle anglo-saxon, nous entretenons des liens étroits avec le milieu socio-économique », indique Nicole Lacasse, vice-rectrice à l'université Laval de Québec. Ensuite, l'enseignement est très orienté vers l'emploi et la professionnalisation - à la manière des grandes écoles françaises. Enfin, la recherche irrigue vraiment les cours - mais il s'agit d'une recherche en prise directe avec les préoccupations les plus récentes des entreprises.

Autre spécificité, la sélection, pratiquée sans états d'âme. « N'entre pas qui veut dans nos universités, confirme Nicole Lacasse. Résultat, nos étudiants sont motivés, ils savent pourquoi ils sont là. » Quant aux professeurs, la grande majorité est titulaire d'un PhD ou d'un doctorat. Le « Times Higher Education » classe ainsi l'UdeM comme la 3e meilleure université francophone au monde.

x Un point fort : la pédagogie

C'est sans doute le principal attrait des études « à la québécoise ». « Nous mettons tout en oeuvre pour que les étudiants réussissent. Leur échec est le nôtre », souligne Michel Patry. Et cela n'a rien d'une formule creuse : partout, on note un souci constant du détail et un sens aigu du service. Exemple : dans les salles de classe d'HEC Montréal, il suffit d'appuyer sur un bouton pour faire intervenir un technicien dans la minute.

Mais la première différence avec la France tient à la relation avec les enseignants. « Les professeurs sont accessibles, leur porte est ouverte, explique Nicole Lacasse. On n'hésite pas à leur demander conseil en cas de besoin - que ce soit pendant les cours ou par e-mails. Mais s'ils ont l'air amicaux et détendus, ils savent aussi se montrer exigeants. » Quant aux cours, ils reposent d'abord sur la participation active des étudiants. « Impossible de s'installer au fond de la salle et d'écouter sans rien dire, poursuit l'enseignante. On ne laisse pas les élèves tranquilles, on les sollicite constamment. » Et les profs s'efforcent de repérer ceux qui peinent à suivre. En outre, la plupart des universités adoptent le système de l'évaluation continue. L'étudiant doit donc travailler de manière régulière, sous peine d'être rapidement distancé.

Enfin, la plupart des universités québécoises mettent sur pied des dispositifs pour soutenir les étudiants en difficulté et les aider à recoller au peloton : tutorat assuré par des élèves plus avancés, groupes d'étude, programmes d'appui individualisés_ L'étudiant qui peine à suivre n'est pas livré à lui-même.

x Des équipements au top

Autre (bonne) surprise pour l'étudiant venu de l'Hexagone, la qualité des équipements. Nombre d'universités disposent de vastes campus à l'américaine (celle de Montréal bénéficie ainsi de 16 hectares, en pleine nature et pourtant en centre-ville). Avec des bâtiments confortables et bien entretenus, des réseaux informatiques performants, des laboratoires richement dotés, de bibliothèques bien fournies_ et ouvertes la nuit, y compris le samedi et le dimanche. Sans oublier les équipements sportifs, quasiment sans équivalent en France : patinoires de niveau professionnel, gymnases immenses, piscines aux normes olympiques_

x Un pays accueillant

Tous ceux qui ont tenté l'expérience le confirment : le Québec est un pays agréable à vivre, chaleureux, tonique_ et jeune. Comme dans le reste de l'Amérique, on y trouve une forme d'optimisme communicatif. La vie culturelle, associative et sociale est une réalité. Cerise sur le gâteau, le pays est magnifique (en toutes saisons_) et le contact avec la nature constant. En outre, dans nombre de professions, il existe entre la France et le Québec des accords de reconnaissance mutuelle, qui permettent à un diplômé français de travailler sans problème de l'autre côté de l'Atlantique - et vice-versa.

Depuis plusieurs années, les universités québécoises se mobilisent pour accueillir davantage d'étudiants étrangers - français notamment. Chaque année, les responsables de la Crepuq (Conférence des recteurs et des principaux au Québec, qui regroupe 17 universités) effectuent ainsi une tournée des campus français, à Paris et en province. HEC Montréal dispose d'un bureau à Paris. L'université de Montréal est aussi très active dans la capitale.

x Quelques bémols

A ce tableau idyllique, il faut cependant apporter quelques nuances. D'abord, à ceux qui l'oublieraient, on rappellera que l'hiver québécois est rude et_ long. Beaucoup de Français le supportent aisément un ou deux ans, mais ont du mal à s'y habituer dans la durée. Ensuite, le système éducatif québécois conviendra peut-être moins à ceux qui préfèrent étudier de façon autonome, à leur rythme. Enfin, si le Québec a adopté une politique active pour retenir les diplômés français, son efficacité demeure incertaine. En cause, des lourdeurs administratives, mais aussi un certain « plafond de verre » qui freine parfois l'intégration.

JEAN-CLAUDE LEWANDOWSKI

Encadré(s) :

Les universités québécoises en chiffres

Sur un total de 263.000 étudiants inscrits dans ses 17 universités, le Québec accueille chaque année 21.000 Français : 7.000 en candidats libres et 14.000 dans le cadre de programmes d'échange ou d'ententes bilatérales. Les trois principales universités sont celle de Montréal, avec 42.000 étudiants et deux écoles affiliées (HEC Montréal et Polytechnique), l'université Laval à Québec (44.000 étudiants) et l'Uqam (Université du Québec à Montréal), avec 39.000 étudiants.Au total, les universités québécoises comptent 10.000 professeurs permanents et 7.000 chargés de cours. Le volume global des dépenses des universités du Québec s'élevait en 2006-2007 à 5,4 milliards de dollars -dont 1,4 milliard pour la recherche. Les universités membresde la Crepuq (Conférencedes recteurs et des principauxdes universités du Québec) ont signé 500 accords d'échanges d'étudiants avec des universitésou écoles de 23 pays.

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