Les fonds souverains font aujourd'hui un retour en force. Echaudés par les lourdes pertes dues aux investissements sur les marchés internationaux et par les ponctions de leurs gouvernements pour faire face aux dépenses courantes, les Sovereign Wealth Funds (SWF) investissent à nouveau tous azimuts.
Dans une étude publiée lundi 22 mars, le bureau de conseil financier britannique Preqin estime que leurs avoirs en 2010 s'élèvent à 3 510 milliards de dollars (2 613 milliards d'euros) contre 3 220 milliards de dollars en 2009.
Par ailleurs, les investissements des SWF, longtemps cantonnés aux actions et obligations, se diversifient dans les filières plus risquées, comme le capital-investissement, les hedge funds (fonds spéculatifs), l'immobilier ou les infrastructures, souligne le rapport. De nos jours, les trois quarts des actifs des SWF sont originaires d'Asie et du Proche-Orient.
Selon Preqin, 56 % des avoirs proviennent des hydrocarbures (Golfe, Russie, Norvège, etc.), 43 % de réserves officielles (Chine) et 1 % de matières premières non énergétiques comme le diamant (Botswana) ou le cuivre (Chili).
Vu la prudence des investisseurs institutionnels, comme les fonds de retraite, les fonds souverains ont un rôle pivot dans la reprise en raison de leurs investissements à long terme, pour les futures générations, conclut le document.
Après le ressac de 2008, ces organismes profitent aujourd'hui de la reprise boursière, en particulier du rebond des valeurs financières, ainsi que de la fermeté des prix du pétrole. Ces facteurs gonflent les actifs de ces gérants des avoirs des Etats en monnaie étrangère.
Et cela se voit. Ainsi l'autorité d'investissement du Qatar envisage d'investir 30 milliards de dollars en 2010. Le fonds de pension du gouvernement norvégien vient d'annoncer un rendement record de ses placements en actions étrangères lors du dernier exercice. L'Abu Dhabi Investment Authority (ADIA) a apporté son soutien au lancement du modèle de voiture sport de l'écurie britannique McLaren. Les banques centrales et les banques d'affaires spécialisées dans le négoce de la dette ont entamé des pourparlers avec des fonds souverains pour qu'ils souscrivent au flot d'émissions obligataires d'Etats dans les années qui viennent. La China Development Corporation est entrée au capital du fonds de capital-investissement Apax.
Pourtant, la situation des fonds souverains à l'issue de la crise est contrastée. Certains d'entre eux - Dubaï ou la Russie ont été confrontés à des retraits substantiels de la part de leur gouvernement pour financer le déficit budgétaire ou renflouer le système bancaire. De surcroît, les SWF, dont les actifs sont libellés en dollars, souffrent de leur dépendance à l'égard de la monnaie américaine. Cette vulnérabilité a poussé des fonds souverains chinois, russes ou brésiliens à réclamer la création d'une super monnaie de réserve style droits de tirages spéciaux du Fonds monétaire international (FMI).
Une gestion opaque
La plupart du temps, la performance des SWF demeure pénalisée par l'intervention des pouvoirs publics. Les organismes se comportant comme des sociétés privées autonomes de l'Etat sont rares.
Enfin, malgré les engagements à la transparence qu'illustre la mise en place de règles de gouvernance internationales, la gestion de ces entités reste opaque. Les pays concernés ne communiquent pas sur les résultats, et le montant exact des avoirs reste inconnu. Si l'ADIA vient de rendre public pour la première fois le rendement moyen de ses placements au cours des vingt dernières années, elle se refuse toujours à divulguer la composition de son portefeuille. Or, en avançant masqués, les fonds alimentent dans les pays cibles la paranoïa d'une mainmise sur des actifs stratégiques.
Malgré ces points noirs, une chose est claire : après un intermède de deux ans, les fonds souverains sont aujourd'hui à nouveau en mouvement.
Marc Roche
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