Chaque camp dispose d'une batterie d'arguments et d'instruments pour convaincre de la justesse de son combat. Une « troisième voie » se dégage cependant mais n'est prônée pour l'heure que par des économistes.
- Les Etats-Unis dénoncent une concurrence déloyale
Le yuan faible coûte cher à l'économie américaine : selon une étude publiée hier par l'Economic Policy Institute et l'Alliance for American Manufacturing, la politique de sous-évaluation du yuan aurait coûté quelque 2,4 millions d'emplois (perdus ou délocalisés) à l'économie américaine, malgré le récent recul du déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine. L'informatique, les semi-conducteurs et les équipements audiovisuels seraient les secteurs les plus touchés. Les industriels américains estiment que la Chine continue de poursuivre une politique de croissance dirigée vers l'export au détriment de ses partenaires commerciaux, en notant toutefois que 60 % des exportations chinoises proviennent non de firmes chinoises mais de filiales de groupes étrangers qui ne trouvent pas de débouchés locaux en raison des contraintes bureaucratiques.
La menace d'une taxe sur les importations pèse sur la Chine : le Trésor américain doit publier deux fois par an un rapport désignant les pays qui « manipulent le taux de change entre leur monnaie et le dollar des Etats-Unis en vue de prévenir des ajustements effectifs des balances des paiements ou d'acquérir un avantage compétitif déloyal dans le commerce international ». A priori, la déclaration de « manipulation », initialement destinée à contrer le Japon, n'a pas de conséquence juridique immédiate. Mais elle peut permettre au Congrès américain d'adopter des sanctions commerciales. Invoquant un précédent de 1971, où les Etats-Unis avaient imposé une taxe temporaire de 10 % sur les importations de l'Allemagne et du Japon, le prix Nobel d'économie Paul Krugman, propose d'adopter aujourd'hui une surtaxe de 25 % sur les importations chinoises.
- Pékin plaide la bonne foi
La Chine n'est pas responsable des déficits américains : les autorités communistes aiment à rappeler que le déficit commercial américain avec la Chine a continué à se creuser entre 2005 et 2008 alors qu'elles orchestraient une appréciation de 21 % de leur monnaie par rapport au billet vert. Réfutant l'idée d'une « concurrence déloyale », elles affirment que les exportateurs chinois produisent des marchandises que ne fabriquent pas ou plus les groupes américains.
Pékin ne fait que protéger ses exportateurs : les autorités politiques chinoises affirment qu'une réévaluation du yuan pèserait sur la santé des exportateurs du pays qui emploient plus de 100 millions de personnes. Ils expliquent que beaucoup d'entreprises réalisant de petites marges sur des produits de faible valeur ajoutée ont déjà disparu dans la première phase d'appréciation de leur monnaie. Une nouvelle hausse pourrait être fatale à des milliers d'autres groupes.
La Chine se concentre sur le taux de change effectif réel de sa monnaie. Ce taux, qui prend en compte non seulement le taux de change nominal du yuan par rapport à un panier de devises, mais également l'évolution des prix en Chine et à l'étranger, s'est considérablement apprécié depuis 2005, expliquent les analystes chinois. Ils rappellent que l'inflation, la poussée continue des salaires ou encore l'augmentation régulière des factures d'électricité des entreprises chinoises pèsent déjà sur les coûts de production chinois.
- Les économistes indépendants tentent une médiation
Incapables de s'entendre sur la valeur « réelle » exacte du yuan, les experts estiment que le pouvoir chinois aurait techniquement intérêt à accepter une appréciation graduée mais se braque devant la pression politique américaine.
Avec un yuan plus fort, Pékin pourrait réduire la facture de ses importations et notamment le coût de ses colossaux achats de matières premières. Cette baisse profiterait aux ménages qui gagneraient également en pouvoir d'achat et seraient incités à consommer un peu plus. Le contrôle de la hausse des prix serait aussi facilité.
En renchérissant la valeur de sa monnaie, le gouvernement pourrait inciter ses entreprises à freiner leurs investissements dans le secteur exportateur où les surcapacités se multiplient et les pousser à réorienter vers la demande locale qu'elles ont tendance à négliger.
YANN ROUSSEAU, À PEKIN ET PIERRE DE GASQUET À NEW YORK
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire