mercredi 24 mars 2010

Le Congrès américain veut forcer Pékin à réévaluer le yuan avant la mi-avril

Les Echos, no. 20642 - International, mercredi, 24 mars 2010, p. 7

En marge de l'affaire Google, le Congrès américain dénonce la sous-évaluation du yuan en estimant qu'elle a déjà entraîné la perte de 2,4 millions d'emplois américains entre 2001 et 2008. Et des experts proposent d'instaurer une surtaxe punitive de 25 % sur les importations chinoises.

Au coeur de la « guerre froide » entre Pékin et Washington, le repli de Google à Hong Kong s'inscrit dans le cadre d'une vaste campagne de dissuasion. Quelques semaines après le coup de semonce de Barack Obama sur la dévaluation « artificielle » du yuan, la commission des recettes budgétaires (Ways and Means Committee) de la Chambre des représentants se réunit aujourd'hui afin d'examiner la stratégie à suivre pour convaincre Pékin de réévaluer sa monnaie d'ici au 15 avril, date de la publication du rapport semi-annuel du Trésor où la Chine pourrait être officiellement qualifiée de « manipulateur de monnaie ».

En menaçant Pékin de mesures de rétorsions commerciales, la Chambre s'appuie sur une étude de l'Alliance for American Manufacturing, publiée hier, qui estime à 2,4 millions le nombre d'emplois américains perdus entre 2001 et 2008 en raison de l'aggravation du déficit commercial avec la Chine.

« Manipulateur de devise »

« L'impact de la manipulation de la devise chinoise sur l'économie américaine ne peut pas être sous-estimé. Les exportations américaines ne peuvent pas rivaliser avec les produits équivalents chinois à bas prix, et les producteurs américains sont également désavantagés face aux importations chinoises subventionnées », s'insurge un groupe de 130 élus des deux partis dans une lettre ouverte au secrétaire au Trésor, Tim Geithner. Toute la stratégie du Congrès consiste à convaincre l'administration Obama de qualifier officiellement Pékin de « manipulateur de devises » dans le prochain rapport bisannuel du Trésor sur les pratiques de change des partenaires commerciaux des Etats-Unis, qui sera publié le 15 avril. Une initiative qui n'a pas été utilisée depuis 1994. Dans l'intervalle, Pékin a décidé de dépêcher aujourd'hui à Washington un émissaire, le vice-ministre du Commerce, Zhong Shan, pour tenter d'apaiser les « tensions sur la balance commerciale sino-américaine et les frictions commerciales ».

Surtaxe punitive

Selon l'étude publiée hier par l'Economic Policy Institute et l'Alliance for American Manufacturing, qui regroupe divers exportateurs américains (US Steel Corp., Allegheny Technologies_), la dévaluation « artificielle » du yuan s'est déjà traduite par la perte ou la délocalisation de 2,4 millions d'emplois sur sept ans, dont 1,6 million dans l'industrie manufacturière, la Californie et le Texas étant les plus touchés. Bien que le déficit commercial avec la Chine se soit légèrement réduit à 227 milliards de dollars en 2009 (contre 268 milliards de dollars en 2008), il représente toujours près de 40 % de l'ensemble du déficit extérieur américain.

Pour le prix Nobel d'économie Paul Krugman, le Trésor américain aurait tort de continuer à fermer les yeux sur les « manipulations de la monnaie chinoise ». Dans un récent éditorial publié par le « New York Times », il propose d'adopter une surtaxe punitive de 25 % sur les importations chinoises, comme les Etats-Unis l'avaient déjà fait vis-à-vis du Japon et de l'Allemagne en 1971 pour les forcer à réévaluer leurs monnaies. Une idée reprise au vol par le sénateur démocrate de New York, Charles Schumer, et un groupe d'élus républicains estimant de 35 % à 40 % le niveau actuel de sous-évaluation « artificielle » du yuan. D'autres experts, tel le président de l'US-China Business Council, John Frisbie, restent persuadés que Pékin prendra les devants en optant pour une réévaluation progressive de sa monnaie dans les prochains mois.

Pierre de Gasquet

PHOTO - WASHINGTON - MARCH 16: U.S. Speaker of the House Rep. Nancy Pelosi (D-CA) (C) speaks as Rep. Rosa DeLauro (D-CT) (R) and Rep. Jan Schakowsky (D-IL) (L) look on during a news conference March 16, 2010 on Capitol Hill in Washington, DC. The news conference was to discuss benefits for seniors in health insurance reform legislation. Pelosi said she would do what was necessary to pass healthcare legislation that is facing opposition from Republicans in Congress.

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