Des chercheurs appellent l'Inde et la Chine à coopérer pour préserver la biosphère.
« La Chine et l'Inde sont les grandes puissances économiques émergentes de notre monde. Leurs taux de croissance devraient se maintenir entre 8 % et 9 % au cours des prochaines années. Ces deux géants vont jouer au XXIe siècle un rôle significatif, voire dominant, dans la modification des paramètres environnementaux de notre planète », constate un groupe de chercheurs dans une tribune publiée cette semaine par la revue Science. Les signataires sont des scientifiques chinois, indiens ou des étrangers ayant effectué des recherches sur le terrain. Ils appellent ces deux pays à collaborer pour la préservation des ressources naturelles.
Avec 1,3 milliard d'habitants, la Chine n'est en effet pas le seul pays dont la croissance économique va peser sur l'avenir de la biosphère. L'Inde avec son 1,1 milliard d'habitants a aussi un impact grandissant. Pourtant l'empreinte écologique d'un Chinois ou d'un Indien est aujourd'hui respectivement quatre et huit fois inférieure à celle d'un Américain. Les coûts de dégradation de l'environnement, qui devraient doubler dans les quinze prochaines années en Chine, augmentent au même rythme que la croissance économique.
Une demande en eau colossale
Les auteurs de l'appel rappellent que les deux géants ont une frontière commune de 2 400 kilomètres dont le tracé n'a jamais été clairement défini. Une guerre de courte durée a éclaté dans la région en 1962. Deux accords de paix ont été signés en 1993 et 1996 qui n'ont rien résolu. « Le problème frontalier reste à résoudre », réaffirmait cette semaine le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois.
C'est dans l'Himalaya que les deux pays doivent collaborer en priorité. Ce gigantesque massif est le château d'eau de l'Inde et de la Chine, qui sont d'ores et déjà confrontées à de graves pénuries en raison de l'irrigation sans frein des terres agricoles. La demande en eau est colossale. Des mesures satellitaires ont montré par exemple que, de 2002 à 2008, le niveau des nappes phréatiques a baissé de 4 cm dans les États indiens du Haryana, du Pendjab et du Rajasthan.
La situation est potentiellement explosive car, dans l'Himalaya, les deux géants ont des projets hydroélectriques très ambitieux. Dans les quinze ans à venir, l'Inde devrait construire 280 nouveaux barrages, faisant passer la production hydroélectrique de la région de 15 000 mégawatts (MW) à 126 500 MW.
La Chine a annoncé de son côté qu'elle allait construire 750 nouveaux barrages dans la seule région du Tibet. On lui prête l'intention de détourner le Brahmapoutre (Tsangpo, en tibétain) avant qu'il ne pénètre sur le territoire indien. « Si cette information se confirme, le conflit frontalier pourrait s'étendre aux ressources en eau », écrivent les scientifiques, qui notent que la fonte des glaciers pourrait aggraver la situation. La déforestation, qui peut amplifier les risques d'érosion, et la préservation de la biodiversité sont les autres domaines où la Chine et l'Inde devraient collaborer. La présence de nombreux militaires le long de la frontière entre les deux pays exerce une forte pression sur les écosystèmes montagneux très fragiles.
« Les deux pays ont des problèmes environnementaux énormes », confie Peter Raven au Figaro. Signataire de cet appel, ce botaniste mondialement reconnu pense que les scientifiques doivent être les artisans de la coopération entre les deux pays. « Chaque pays doit prendre en compte les coûts environnementaux associés à son développement. »
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