Google tient sa promesse, un peu plus de deux mois après avoir menacé de ne plus censurer les résultats de ses recherches sur son moteur de recherche en chinois. Désormais, en tapant Google.cn, l'internaute arrive automatiquement sur le site Google.com.hk, c'est-à-dire le site hongkongais du moteur de recherche. Il est alors accueilli par le message : " Bienvenue au nouveau site de recherche Google en Chine. " La parade offerte par la société de Mountain View pourrait ouvrir la porte à un arrangement avec les autorités. Pourtant, les premières réactions officielles étaient peu amènes et étaient dans le droit-fil du ton très agressif adopté ces derniers temps vis-à-vis de la firme américaine : Google " fait une grave erreur " et " a violé la promesse écrite faite lors de son entrée sur le marché chinois ", a déclaré à l'agence Chine nouvelle un représentant du département Internet du Bureau d'information du gouvernement.
Hongkong utilise des caractères chinois traditionnels, et le site a donc été doté d'une interface en caractères simplifiés, qui ont cours en Chine populaire. Les requêtes soumises au moteur de recherche de Hongkong ne sont pas astreintes à une obligation de filtrage, à la différence de l'ex-Google.cn.
Toutefois, en pratique, la répétition de recherches sur des mots sensibles comme " Falun Gong ", le mouvement religieux banni par Pékin, " Liu Xiaobo ", le militant des droits de l'homme, ou encore " Charter 08 ", le manifeste signé par des intellectuels chinois et des défenseurs des droits de l'homme, conduit invariablement à un blocage du navigateur - comme sur Google.com, la version anglaise.
Les sites indiqués à la suite de la recherche, lorsque celle-ci aboutit sans être neutralisée, sont en outre très souvent bloqués par la " Grande muraille virtuelle ", le système sophistiqué de censure automatique chinois. " Un Google, deux systèmes " ont raillé des internautes en référence au principe " un pays, deux systèmes " qui régit les relations entre la Chine et Hongkong.
Image de marque
La nouvelle situation de Google ressemble donc à celle qui précédait son installation en Chine en 2006 : de 2000 à 2006, le site chinois, basé aux Etats-Unis, fonctionnait en Chine, mais était fréquemment bloqué.
En outre, ses recherches étaient parfois déconnectées des besoins réels des utilisateurs ainsi que des dernières modes. Depuis, Google a acquis en Chine notoriété et image de marque. Une partie de son personnel se consacre à mieux connaître les spécificités des demandes chinoises. Ce capital devrait continuer à lui servir, estiment certains observateurs, notamment si la société décide, comme elle l'a pour l'instant annoncé, de maintenir une partie de ses effectifs Chine.
A la merci d'un blocage permanent de son site hongkongais par la censure, elle garde toutefois un certain levier vis-à-vis des autorités chinoises en poursuivant en Chine ses activités de ventes de publicité, et de recherche et développement (R & D) : " La R & D est une priorité majeure pour la Chine, je doute que - les autorités chinoises - poussent Google à désinvestir. La Chine en bénéficie de différentes manières, notamment pour ce qui est de l'emploi des jeunes diplômés, et de l'innovation ", estime Duncan Clark, président de BDA, un cabinet de consultants à Pékin spécialisé dans le domaine des technologies de l'information.
Selon M. Clark, une diminution éventuelle de la part de marché de Google auprès des annonceurs chinois pourraient bénéficier à Tencent, le géant de la messagerie instantanée qui développe son propre moteur de recherche, mais aussi à Taobao, filiale d'Alibaba (par ailleurs propriétaire de Yahoo ! China). " On peut s'attendre à ce que Baidu devienne trop complaisant et se fasse dépasser ", ajoute-t-il.
La stratégie de sortie imaginée par Google lui permet donc de sauver la face tout en restant relativement " connectée " au marché chinois : " Il a été très difficile pour nous de trouver le moyen de nous tenir à notre promesse de ne plus censurer les recherches sur Google.cn ", a écrit dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 mars, sur son blog, David Drummond, le directeur juridique de Google. C'est lui qui avait annoncé le 12 janvier, la décision de Google de cesser de censurer ses recherches en Chine suite à des actions de piratage répétées de comptes Gmail de dissidents et militants chinois. Des discussions avaient alors été entamées avec les autorités chinoises.
" Nous souhaitons que le plus grand nombre de gens dans le monde aient accès à nos services, et notamment les usagers en Chine continentale, mais son gouvernement a été parfaitement clair durant nos discussions : l'autocensure est une obligation légale absolument pas négociable ", écrit-il.
Mardi, un porte-parole du ministère des affaires étrangères, a indiqué que la décision de Google ne devrait pas avoir d'impact sur les relations sino-américaines à moins qu'elle soit exploitée politiquement par d'autres.
Brice Pedroletti
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