Pour mesurer l'état du marché chinois, les économistes parcourent les villes à la recherche de bureaux éteints. Ils dressent ensuite la longue liste de ces « immeubles transparents » dont aucun étage n'est occupé.
Pointant les taux de vacance record sur le marché des bureaux les mieux placés et dans les galeries commerciales, les économistes dénoncent la formation d'une bulle immobilière due à « l'irraisonnable » politique de crédits mise en place depuis le début de 2008 par le gouvernement chinois. Pour prévenir un ralentissement trop brutal de son économie, Pékin avait alors ordonné à ses banques d'Etat de se montrer généreuses. Les entreprises publiques et les développeurs immobiliers ont profité de ce flux d'argent bon marché : au total, 1.000 milliards de dollars de nouveaux prêts débloqués en 2009 pour financer de nouveaux gratte-ciel aux côtés d'immeubles parfois déserts. « La Chine, c'est désormais Dubaï multiplié par 1.000, voire pire », a lancé, en janvier, Jim Chanos, le gérant de fonds, qui s'était rendu célèbre en prédisant la faillite d'Enron. Sans locataire, les investisseurs risquent de peiner à rembourser leurs dettes, préviennent certains experts, qui s'inquiètent des conséquences d'une envolée des créances douteuses sur l'ensemble de l'économie chinoise.
Les grands acteurs de l'immobilier chinois semblent plus mesurés. Ils parient sur la progression naturelle de la demande accompagnant le dynamisme de la croissance locale et pointent, ville par ville, l'amélioration progressive du marché constatée ces derniers mois. A Pékin, le taux de vacance, mesuré à 20 % début janvier 2010 par le conseil Savills, est déjà en léger recul depuis l'été dernier, malgré l'arrivée sur le marché de 1,14 million de mètres carrés supplémentaires. Cette hausse record de 15 % de la surface totale disponible dans la capitale chinoise a été en partie absorbée par la demande au cours du dernier trimestre de 2009. Reprenant confiance, après quelques mois d'incertitude, dans l'économie chinoise et dans une reprise mondiale, les grandes multinationales ont ranimé leurs projets d'expansion. En octobre, Standard Chartered Bank a ainsi annoncé qu'elle allait louer 9.000 m2 dans le tout nouveau World Financial Center situé dans le quartier des affaires de l'est de Pékin. Tentant prudemment de profiter de ce regain de confiance, les propriétaires n'ont pas enclenché de véritable hausse du prix des loyers mais ont considérablement réduit leurs offres de mois « gratuits » traditionnellement proposées aux nouveaux locataires. En moyenne, le prix des loyers « prime » était mesuré, début janvier, par Savills, à 152,7 yuan par mètre carré par an, soit un peu moins de 200 euros. Selon les experts, ces tarifs devraient rester stables en 2010. L'arrivée sur le marché de 700.000 m2 de bureaux, avec la nouvelle tour géante de China World, permettront de maintenir la pression sur les prix.
Travaillé par les mêmes grandes tendances, le marché de Shanghai devrait se ressaisir en 2010 après une année 2009 noire. L'an dernier, l'abondance de nouveaux espaces -411.500 m2 de bureaux de qualité, selon les calculs du conseil DTZ -et l'attentisme des multinationales, notamment étrangères, ont poussé le taux de vacance dans la ville au niveau record de 16,7 % et fait plonger le prix moyen des loyers de 16,3 % sur l'ensemble de l'année. Dans le quartier des affaires de Pudong, où étaient inaugurés l'an dernier la plupart des nouveaux projets tertiaires, les loyers ont chuté de plus de 25 % par rapport à leur pic de 2008. « En 2010, les loyers pourraient encore reculer de 10 % et le taux de vacance devrait atteindre les 25 % », prévoient les analystes de Savills qui estiment que les nombreuses installations de grands groupes financiers étrangers ne permettront pas de compenser l'arrivée sur le marché d'une surface record de près de 1 million de m2 de nouveaux bureaux. Dans ce contexte tendu, les restrictions de travaux et de circulation d'engins de chantier imposées par la municipalité pendant la durée de l'exposition universelle de Shanghai, programmée du 1er mai au 31 octobre, pourraient retarder certains projets et légèrement apaiser l'emballement de l'offre dans les quartiers d'affaires de la ville.
Shenzen, très prisée
Tranchant avec les évolutions de Pékin et Shanghai, la jeune mégapole de Shenzhen au sud du pays a, elle, assisté, dès le deuxième trimestre de 2009, à une reprise soutenue de son marché immobilier. Les prix des bureaux à la vente ont recommencé à augmenter dès le printemps quand les loyers reprenaient leur hausse à l'été. Attirés par le lancement, en octobre, du « Growth Entreprise Market » -le Nasdaq chinois -des groupes financiers ont accéléré leur installation dans les immeubles les plus récents et les mieux placés des quartiers de Nanshan et Luohu. Avec un taux de vacance contenu à 11 %, les propriétaires ont pu imposer des hausses de loyer de 5,6 % dans les bureaux de qualité supérieure. Il y a quelques semaines, la location mensuelle d'un mètre carré se négociait, en moyenne, à 170 euros/m2/an jusqu'à 180 yuans dans les immeubles proches du point de passage vers Hong Kong. Dans ces zones et dans le district de Futian également très prisé, les loyers devraient se stabiliser en 2010 avec la mise sur le marché de 600.000 m2 de nouveaux bureaux.
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