mardi 16 mars 2010

Monnaies : Pékin dénonce le « protectionnisme » occidental - Yann Rousseau

Les Echos, no. 20635 - International, lundi, 15 mars 2010, p. 10

Le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a vivement dénoncé, hier, les appels occidentaux à une réévaluation du yuan et assuré que son pays allait poursuivre sa politique de relance afin de faire face aux difficultés nées de la crise économique.

Wen Jiabao ne supporte plus que la Chine soit soupçonnée d'arrogance. Hier, pendant les deux heures de sa seule conférence de presse de l'année ouverte à tous les médias locaux comme étrangers, le Premier ministre chinois s'est efforcé de présenter son pays comme une puissance politique et économique fragile et bienveillante malmenée à tort par l'agressivité injuste des capitales étrangères. « Cela prendra cent ans, et même plus, pour que la Chine devienne un pays moderne et la Chine ne cherchera jamais l'hégémonie, même quand elle sera un pays développé », a-t-il argumenté avant de répondre, point par point, aux critiques formulées depuis quelques mois par les Etats-Unis et certains pays de l'Union européenne.

Le yuan bloqué depuis 2008

Très remonté contre Washington, qui accuse Pékin de maintenir artificiellement sa monnaie à un niveau bas pour encourager les exportations du pays, Wen Jiabao a expliqué que le pouvoir chinois refusait toujours de considérer le yuan comme sous-évalué. « Je peux comprendre le désir de certains pays d'accroître leurs exportations, mais ce que je ne comprends pas, c'est de déprécier sa propre monnaie et de tenter de faire pression sur les autres pour les apprécier dans le but d'augmenter les exportations. De mon point de vue, c'est du protectionnisme », a lancé le responsable avant de dénoncer les pays « pratiquant les récriminations mutuelles ». « La pression extérieure est inutile à la réforme du taux de change du yuan », a-t-il encore martelé, sans jamais évoquer ou nier une éventuelle reprise du mouvement d'appréciation de la devise, qui reste bloquée au niveau de 1 dollar contre 6,82 yuans depuis août 2008.

Pékin présente régulièrement ce gel de l'appréciation de sa monnaie comme une mesure exceptionnelle destinée à relancer l'économie locale et à favoriser une reprise globale. Hier, Wen Jiabao a rappelé que son pays, comme le reste du monde, faisait toujours face à de nombreuses difficultés et qu'il ne comptait donc pas changer de stratégie économique. « La situation économique de nombreuses industries ne s'est pas fondamentalement améliorée, elle repose principalement sur le soutien de nos politiques », a-t-il expliqué, ajoutant ne pas exclure l'hypothèse d'une récession mondiale à « double creux ».

Interrogé sur les difficultés des entreprises occidentales dans le pays, et particulièrement sur les ennuis de Google et de Rio Tinto, Wen Jiabao a affirmé que les entreprises étrangères étaient toujours les bienvenues en Chine, mais a refusé d'évoquer le cas précis du moteur de recherche américain. Se montrant, une fois encore, très sévère avec les Etats-Unis, Wen Jiabao a expliqué qu'ils étaient, selon lui, les seuls responsables de la récente dégradation de leurs relations bilatérales. Avec leur vente d'armes à Taiwan et la rencontre entre le président Barack Obama et le dalaï-lama, « les Etats-Unis ont violé la souveraineté chinoise », a lâché le responsable.

Une posture de victime

Adoptant la posture de victime, cultivée par le régime communiste depuis des années, Wen Jiabao s'en est pris également aux capitales qui avaient osé accuser Pékin d'avoir fait capoter, en décembre dernier, les négociations sur le climat de Copenhague. Plusieurs ministres occidentaux avaient notamment affirmé que le chef du gouvernement chinois avait refusé le 18 décembre de se rendre à une réunion de la dernière chance organisée, en présence notamment de Barack Obama, pour tenter de sauver un accord. « Je n'ai pas été informé », s'est défendu, hier, Wen Jiabao avant d'expliquer qu'il avait « la conscience tranquille » et ne comprenait toujours pas cet acharnement contre son pays.

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Yuan : la Chine reste de marbre face aux critiques
- Marie de Vergès

Le Monde - Economie, lundi, 15 mars 2010, p. 14

1 euro; = 1,3769 $ Taux à 10 ans (France) = 3,462 % Taux à 10 ans (US) = 3,702 %

La partie de ping-pong reprend sur le marché des changes entre la Chine et les Etats-Unis. Désireux d'amadouer le très stratégique partenaire chinois, Barack Obama avait opté ces derniers mois pour une prudente réserve. Mais faute de résultats, le président américain a décidé de remettre la pression sur Pékin à propos du yuan, jugé très sous-évalué.

Jeudi 11 mars, M. Obama a appelé la Chine à évoluer vers « un taux de change plus conforme au marché » : « Cela serait une contribution importante à l'effort de rééquilibrage mondi al », a-t-il souligné.

La riposte ne s'est pas fait attendre. Vendredi 12, la banque centrale chinoise a sèchement prié Washington de s'abstenir de « politiser » cette question. « Nous pensons que le taux de change n'aidera ni à diminuer ni à accroître nos excédents et déficits commerciaux », a soutenu le vice-gouverneur de la banque centrale, Su Ning.

Pékin a arrêté net, à l'été 2008, la lente réévaluation du renminbi (l'autre nom du yuan), commencée en 2005. Depuis, la devise n'a pas fluctué de plus de 1 %, autour de 6,83 yuans pour 1 dollar (6,8256 vendredi).

Concurrence déloyale !, s'insurgent les partenaires commerciaux de la Chine, Etats-Unis en tête. Avec un yuan sous-évalué, soulignent-ils, les biens « made in China » profitent d'un net avantage en termes de compétitivité. Le pays a d'ailleurs ravi à l'Allemagne, en 2009, le titre de premier exportateur mondial.

« Avec sa politique de change, la Chine est en train de gagner une guerre économique sur les Etats-Unis sans même livrer bataille », affirme Antoine Brunet, économiste et président d'AB Marchés. Barack Obama, qui vient d'annoncer l'objectif d'un doublement des exportations américaines dans les cinq prochaines années, va-t-il user des grands moyens ? Un rapport officiel du Trésor américain, prévu pour le 15 avril, pourrait accuser Pékin de « manipulation » de sa monnaie. C'est ce pour quoi milite une coalition bipartisane d'élus du Congrès. Cette assertion - une vraie déclaration de guerre monétaire - pourrait entraîner des mesures de rétorsion commerciale envers la Chine.

Ne pas s'emballer

La manoeuvre est complexe. La croissance chinoise est, certes, tributaire de ses exportations vers les Etats-Unis. Mais en retour, le déficit américain est financé en grande partie par la Chine, son deuxième plus gros acheteur d'emprunts d'Etat derrière le Japon. Pour répondre au chantage par le chantage, Pékin n'aurait qu'à décider de bouder les prochaines adjudications du Trésor américain...

En attendant, nombre d'investisseurs aux aguets croient déceler les signaux d'une reprise de l'appréciation du yuan courant 2010. Et même dès le deuxième trimestre, a prédit le 8 mars, l'économiste star Nouriel Roubini. Les conditions sont réunies : croissance trimestrielle à deux chiffres, rebond des exportations... Le tout accompagné de craintes sur un retour de l'inflation.

Les dernières déclarations du gouverneur de la Banque centrale ont nourri les spéculations. Le 6 mars, Zhou Xiaochuan a expliqué qu'il faudrait penser « tôt ou tard » à l'abandon des politiques spéciales mises en place pour contrer la crise, « y compris le régime de formation du taux de chang e ». Mais, selon certains experts, les marchés ne doivent surtout pas s'emballer. « Ce n'est pas parce qu'une «exit strategy» est évoquée que la Chine va un - agir - et deux - agir immédiatement », indiquent les analystes de Natixis dans une note publiée le 9 mars.

De fait, le premier ministre Wen Jiabao continue de prôner la « stabilité » de la monnaie compte tenu des incertitudes pesant sur la reprise économique mondiale. Or ce ne sont pas les autorités monétaires mais bien Pékin qui fixe le cap en matière de taux de change.

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Pékin rejette les critiques américaines - Arielle Thedrel

Le Figaro, no. 20409 - Le Figaro, lundi, 15 mars 2010, p. 18

Le premier ministre résiste aux pressions sur la monnaie chinoise.

CHINE La puissance, mais pas l'hégémonie. « Certains disent que la Chine est arrogante, qu'elle est dure, a déclaré hier le premier ministre chinois. Mais le développement pacifique de la Chine n'affectera aucun pays. »

Dans sa grande conférence de presse annuelle, à la clôture de la session du Parlement chinois, Wen Jiabao a voulu répondre aux inquiétudes grandissantes de la communauté internationale sur un raidissement du pouvoir de Pékin. Ce qui ne l'a pas empêché de tancer les États-Unis, pour avoir « violé la souveraineté chinoise » en vendant des armes à Taiwan et en rencontrant le dalaï-lama. Il a affirmé que la responsabilité de la dégradation de la relation sino-américaine incombait aux États-Unis et que c'était à eux de prendre des « initiatives concrètes » pour la remettre sur les rails.

La relance continue

Sur le front de plus en plus chaud des relations commerciales, Wen Jiabao a affirmé que le yuan n'était « pas sous-évalué » et que les pressions occidentales sur la politique de change chinoise n'étaient rien d'autre qu'une forme de « protectionnisme ». Il répondait ainsi à un appel de Barack Obama, il y a quelques jours, à une appréciation du yuan. Il a tenu à rappeler que les exportations chinoises étaient pour moitié environ constituées de composants étrangers assemblés en Chine et pour 60 % assurées par des compagnies étrangères ou associant un partenaire étranger. « Si vous restreignez le commerce avec la Chine, ce sont vos propres entreprises que vous touchez. »

Renvoyant la balle dans le camp américain, le premier ministre s'est alarmé de la sécurité des placements chinois dans les bons du Trésor américain. Il s'est dit « très inquiet du manque de stabilité du dollar », espérant que Washington allait prendre « des mesures concrètes pour rassurer les investisseurs internationaux ». Il a aussi annoncé que la reprise étant encore fragile, la politique de relance allait être poursuivie. Wen Jiabao a encore confié qu'il faudrait « encore 100 ans, et même plus, pour que la Chine devienne un pays moderne ». Avec en filigrane l'idée que durant ce laps de temps, l'Occident ne demande pas grand-chose à la Chine, ses impératifs de développement l'exonérant de bien des contraintes.

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