jeudi 4 mars 2010

PORTRAIT - « Super-Bo », l'étoile montante du Parti

Le Soir - 1E - MONDE, vendredi, 5 mars 2010, p. 14

Le jeune dirigeant s'attaque à la corruption.

On l'a cru un temps mis au placard, perdu dans les brouillards de la ville de Chongqing, mégapole de 37 millions d'habitants blottie sur les bords du fleuve Yangzi, dont il est le secrétaire du Parti depuis près de trois ans. Et pourtant... L'ancien ministre du Commerce de 2004 à 2007, ex-homme fort de la ville de Dalian, au nord-est du pays, et fils du vétéran Bo Yibo, est devenu en quelques mois l'un des hommes politiques les plus populaires de Chine.

« Il a su profiter de l'effet médiatique d'une série de procès qui se sont tenus dans sa ville visant des centaines de mafieux du coin - dont l'ancien chef de la police locale, Peng Changjian condamné la semaine dernière à la prison à vie, NDLR - «, rappelle un journaliste pékinois. Jamais sans doute, depuis celui de la Bande des Quatre en 1980 (à l'issue duquel la femme de Mao fut condamnée à mort « avec sursis »), un procès en Chine de cette envergure n'avait autant captivé les foules. Depuis, les internautes de tous bords ne cessent de vanter le courage du « justicier de Chongqing » (l'un des surnoms de Bo). Un chanteur, un certain Li Lei, vient même de lui dédier un hymne, abondamment relayé sur internet. « Ton sourire ressemble au printemps, vivant et chaleureux [...]», chante ainsi avec emphase cet admirateur, fasciné par le style de Bo Xilai, haut cadre « incorruptible », dixit. « La Chine a besoin de milliers de héros comme toi ».

En piste pour la succession ?

Un héros qui devrait continuer à faire parler de lui alors que s'ouvre aujourd'hui même à Pékin la session annuelle de l'Assemblée du Peuple qui regroupe, pendant 10 jours, l'ensemble des délégués et députés provinciaux du Parti et des différentes instances qui lui sont rattachées. Très attendu pour cette session plénière, « Bo Xilai est la star du moment », note un diplomate en poste à Pékin. « Le peuple se reconnaît en lui ».

Va-t-il alors profiter de cette grand-messe politique pour renforcer son poids dans l'appareil avant 2012, date à laquelle le président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao seront remplacés par leurs successeurs désignés ? Une chose est sûre : en politique chinoise, rien n'est jamais vraiment dû au hasard. Il se pourrait donc que l'actuelle médiatisation de Bo marque son retour aux affaires au niveau national, dans un ministère à Pékin ou plus haut encore - au bureau permanent du Bureau politique par exemple, le Saint des Saints du régime, regroupant les neuf plus hauts dignitaires du Parti.

En tant que « Prince rouge » - terme qui désigne les enfants de dignitaires chinois -, Bo bénéficie par ailleurs du soutien et de la confiance d'un certain nombre de caciques du régime. Depuis plusieurs années en effet, le pouvoir central aime à s'appuyer sur les compétences de ces « fils de », réputés pour leur fidélité au Parti et qui représentent désormais près de 30 % de la classe politique chinoise. « Leur rôle dans l'appareil devrait encore s'accroître en 2012 », prédit la Française Agnès Andrésy (1). Bo Xilai pourrait bien, pour certains, voler la vedette à Li Keqiang, jusqu'ici favori dans les pronostics pour succéder à Wen Jiabao au poste de Premier ministre mais qui, lui, n'appartient pas à la caste des « fils de ».

« En Chine, il est hasardeux de faire de telles projections », estime le même diplomate. « Mais il est vrai que la lutte pour 2012 se joue déjà en ce moment ». Un moment justement où Bo Xilai est au zénith.

(1) Princes rouges, les nouveaux puissants de Chine (Editions L'Harmattan).

PIERRE TIESSEN

PHOTO - Bo Xilai, left, party secretary of the western city Chongqing, chats with Chinese Gen. Xu Caihou during the opening session of the People's Political Consultative Conference in the Great Hall of the People in Beijing, China, Wednesday, March 3, 2010.

© 2010 © Rossel & Cie S.A. - LE SOIR Bruxelles, 2010

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