lundi 29 mars 2010

Quatre salariés de Rio Tinto condamnés à de lourdes peines de prison en Chine

Le Monde - Dialogues, mardi, 30 mars 2010, p. 16

Le jugement rendu lundi 29 mars par le tribunal intermédiaire numéro un de Shanghaï ne rassurera pas les investisseurs étrangers en Chine. Celui-ci a condamné pour espionnage économique et corruption quatre salariés du géant minier anglo-australien Rio Tinto à des peines de prison. Le ministre australien des affaires étrangères, Stephen Smith, a jugé " très sévère " cette condamnation. On ignore si les condamnés feront appel.

Chef des ventes de fer en Chine et naturalisé australien, Stern Hu a été condamné à dix ans d'emprisonnement et à une amende de 500 000 yuans (54 450 euros). Ses collaborateurs chinois se sont vus infliger des peines allant de sept à quatorze ans de prison. Durant leur procès qui a duré du 22 au 24 mars, tous avaient plaidé coupable sur l'accusation de corruption. Il leur était reproché d'avoir touché des pots-de-vin d'acheteurs chinois, mais ils contestaient le montant de 12,5 millions de dollars (9,3 millions d'euros) avancé par les enquêteurs.

Selon le site d'information économique en ligne Caixin, qui citait les avocats des prévenus, les sidérurgistes privés chinois incriminés seraient la Rizhao Steel, dans le Shangong, ainsi que de " petites aciéries du nord de la Chine ". Un seul des prévenus avait reconnu le vol de secrets commerciaux lors du huis clos consacré à cette accusation, avait indiqué un avocat la semaine dernière.

Parmi ces secrets commerciaux figuraient des comptes-rendus de réunions de la CISA (China Iron & Steel Association), l'association chinoise du fer et de l'acier, ou des informations concernant une réduction de la production de l'aciériste Shougang.

Pékin se défend d'avoir politisé l'affaire, mais celle-ci s'inscrit dans un contexte de fortes tensions entre les 800 sidérurgistes chinois et les deux géants miniers anglo-australiens, Rio et BHP Billiton.

Les Chinois avaient très mal pris qu'une de leurs entreprises Chinalco soit empêché, en juin 2009, d'augmenter de 19,5 milliards de dollars sa participation au sein de Rio Tinto, actionnaires et autorités australiennes ayant pris peur devant cette montée en puissance. Ils dénoncent aussi le projet formé par BHP et Rio de mettre en commun leurs mines de fer australiennes. Ils ont appelé les autorités australiennes et européennes de la concurrence à refuser la création d'un tel monopole.

D'autre part, la Chine freine devant les hausses du prix du minerai de fer que le trio de tête mondial - Vale, Rio Tinto et BHP - veut imposer. A la mi-mars, elle a été rejointe dans ses protestations par le consortium de l'acier européen Eurofer dont les membres se sont vus demander une augmentation de prix de 80 % par le numéro un mondial Vale. Eurofer a décidé de saisir Bruxelles de ce qu'il qualifie d'abus de position dominante.

Aux Chinois comme aux Européens, le quasi-oligopole minier réclame la fin des prix annuels négociés et l'alignement des transactions sur les prix du marché au comptant (spot). En effet, alors que les prix négociés jusqu'au 31 mars 2010 sont d'une soixantaine de dollars la tonne de fer, le spot a dépassé la semaine dernière les 140 dollars.

Il est encore trop tôt pour dire si ce jugement aura des conséquences durables sur les relations entre le Chine et ses partenaires occidentaux. Suivies des mésaventures de Google, les péripéties judiciaires subies par le personnel de Rio Tinto inquiètent d'autant plus que la Chine leur a refusé l'assistance d'un diplomate australien.

Selon le spécialiste américain des questions de droit en Chine, Jerome Cohen, la décision d'" exclure le consul australien - du procès - viole des lois chinoises qui, depuis 1995, obligent les tribunaux à accepter une représentation consulaire étrangère, même durant des audiences à huis clos ". D'un autre côté, la signature intervenue le 19 mars d'un accord entre Rio Tinto et Chinalco pour exploiter de concert le gisement de fer de Simandou (Guinée) laisse à penser que les affaires continuent.

Alain Faujas

PHOTO - Australian Consulate General, Tom Connor speaks to journalists after the trial of an Australian citizen, outside of the Shanghai's No. 1 People's Intermediate Court in Shanghai March 29, 2010. The court on Monday sentenced a Chinese-Australian executive of Rio Tinto to 7 years in prison on Monday on charges of accepting bribes and 5 years on charges of stealing commercial secrets.

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