Quatre enfants sont morts, dans la province du Shanxi (nord-est de la Chine), et soixante-quatorze autres portent des séquelles, pour certains à vie, des suites d'une vaccination avec des doses vraisemblablement défectueuses. C'est le bilan, provisoire, tiré après plusieurs mois d'enquête, par le journaliste Wang Keqin. L'enquête a été publiée le 17 mars par le quotidien China Economic Times.
Le journaliste a rencontré une trentaine de familles, dont certaines se sont lourdement endettées pour payer les soins médicaux. Selon lui, les enfants avaient été vaccinés contre l'hépatite B, la rage et l'encéphalite japonaise peu avant l'apparition des troubles. Plusieurs millions de doses de vaccin peut-être défectueuses pour avoir été exposées à des températures excessives auraient ainsi été administrées en 2006 et 2007. Et cela malgré les multiples avertissements lancés par Chen Taoan, un expert du centre de contrôle sanitaire du Shanxi, spécialiste des réactions post-vaccinales anormales.
Chen Taoan, exaspéré par l'incurie de ses supérieurs et relégué à des tâches subalternes après avoir, plusieurs fois, tiré la sonnette d'alarme, a piloté le travail de Wang Keqin, journaliste réputé en Chine pour le sérieux de ses enquêtes.
L'affaire touche une corde sensible dans le pays. Les dérapages de la part des autorités chargées de superviser la santé publique ont conduit à des scandales retentissants, comme celui de la mélamine dans la poudre de lait, fin 2008.
Enquête rouverte
Dans un éditorial cinglant, le quotidien Southern Metropolis News, du groupe Nanfang de Canton, connu pour ses vues progressistes, a appelé, samedi 20 mars, le gouvernement à " laisser la presse faire son travail " sur les vaccins du Shanxi. L'éditorialiste a fait part " du profond sentiment de culpabilité ressenti par les médias " de n'avoir pas pu enquêter suffisamment lors du scandale de la mélamine. " Chaque fois qu'une affaire tragique suscite une large inquiétude parmi le public et une colère généralisée, les enquêtes de la presse doivent s'arrêter net ", écrit-il.
Dans le Shanxi, les parents des victimes, ainsi que M. Chen, ont reçu à la fois des menaces de mort, et des propositions d'argent pour garder le silence, selon le South China Morning Post. Le bureau de la santé du Shanxi a tenu, lundi, une conférence de presse pour récuser les allégations de Wang Keqin. Tout en reconnaissant que le directeur du centre de contrôle sanitaire, un certain Li Wenyuan, avait été démis de ses fonctions en 2009 pour collusion avec la Beijing Huawei. Cette société privée s'était vu attribuer, en 2006, le marché des vaccins non obligatoires dans l'ensemble de la province pour cinq ans.
A Pékin, le ministère de la santé a dépêché des experts pour rouvrir un dossier sur lequel il avait déjà été alerté en 2007 et 2008. A l'époque, l'affaire avait été classée. Les plaintes répétées de Chen Taoan avaient toutefois conduit les autorités à révoquer le contrat de la Beijing Huawei en 2007.
Selon le journaliste et M. Chen, les vaccins ont été exposés à des températures bien trop élevées. Le problème est intervenu lorsqu'il a fallu apposer manuellement sur les boîtes des étiquettes de certification du centre de contrôle sanitaire qui ne collaient pas sur les doses réfrigérées. Des cartons de vaccins ont alors été empilés dans une annexe du centre. En outre, le camion réfrigéré chargé de distribuer les vaccins était défectueux.
" Ce problème d'exposition à la chaleur m'a rendu soupçonneux, et j'ai commencé à dénoncer les problèmes en mai 2007. En 2008, j'ai découvert les premiers cas de maladies ", confirme M. Chen au Monde. A la suite de quoi, explique-t-il, son salaire a été réduit, et il a fait l'objet d'une enquête du parquet, ainsi que de son autorité de tutelle.
Brice Pedroletti
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