Une vive inflation immobilière gagne la Chine, où les prix des logements ont grimpé de 11,7 %, entre mars 2009 et mars 2010. Dans certaines zones, comme l'île touristique de Haïnan au sud du pays, la hausse dépasse même 50 % sur un an. Selon Crédit Suisse, il faut douze années de revenus à un ménage pékinois pour acheter son logement. A titre de comparaison, un ménage francilien ne débourse que cinq années de revenus, un français entre trois et quatre, et un espagnol sept.
Pour contrer cette bulle immobilière, le gouvernement chinois a pris, depuis le 10 avril, toute une série de mesures, dont certaines draconiennes. Dans le but de décourager les achats purement spéculatifs, l'apport personnel pour acheter un second bien est désormais fixé à 50 % de sa valeur, 30 % s'il s'agit d'un premier logement de plus de 90 mètres carrés.
Les banques sont également incitées à ne pas accorder de prêt à tout client déjà propriétaire de deux biens. Elles sont aussi encouragées à refuser de financer un particulier ne démontrant pas qu'il habite déjà la ville où il souhaite acheter et qui ne paie pas d'impôt dans cette localité depuis plus d'un an. Les portefeuilles des crédits hypothécaires des banques sont mis sous surveillance et le crédit aux promoteurs est contingenté, avec interdiction de percevoir des acomptes pour des logements non autorisés par le gouvernement. Les prix de vente doivent, en outre, être notifiés au ministère.
La méthode est autoritaire et radicale, « mais il faut prendre en compte le contexte chinois d'intense spéculation alimentée par l'abondante épargne des ménages qui ne sait pas où se placer, faute de produits financiers et à cause d'une Bourse trop volatile », explique Bei Xu, économiste chez Natixis chargée de la Chine. « Ces capitaux vont donc se précipiter vers le logement et le gouvernement veut empêcher les achats spéculatifs, visant surtout les multipropriétaires, pas ceux qui cherchent un logement pour eux-mêmes », précise-t-elle.
Les ménages chinois n'ont, en outre, guère d'autres solutions que d'acheter, puisqu'il n'existe pas de vrai marché locatif et encore moins de droits des locataires. Ces derniers sont donc à la merci de propriétaires pouvant les mettre à la porte à tout moment.
La recette chinoise est-elle bonne pour l'Europe et les Etats-Unis ? Aurait-elle permis d'éviter la crise des subprimes ? En France, la bulle immobilière est loin d'être résorbée : les prix sont élevés et l'endettement des Français est à son plus haut, passé de 50 % du revenu disponible en 1998, à 74 % aujourd'hui.
Le principal carburant de l'inflation immobilière est le crédit facile, que l'on pourrait rationner « à la chinoise » en exigeant un apport personnel conséquent, en imposant un ratio charge de la dette/revenu, voire en limitant la durée des prêts.
Olivier Blanchard, l'économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI), le suggérait dans un entretien au Monde du 21 avril : « Face à une bulle immobilière, plutôt que d'augmenter les taux d'intérêts, au risque de freiner l'investissement et la consommation, pourquoi ne pas limiter le taux d'endettement immobilier maximal des ménages ? L'effet sur les prix est direct, localisé et immédiat », s'interrogeait-il. Entre 2005 et 2007, la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d'Espagne et la Banque de France avaient d'ailleurs à plusieurs reprises lancé des avertissements, restés sans effet, sur le niveau des prix de l'immobilier et la dette des ménages. La BCE avait toutefois renoncé à utiliser l'arme de la hausse des taux directeurs pour les raisons invoquées par M. Blanchard.
« Il faut surtout développer la protection et l'information de l'emprunteur, ce qui a évidemment manqué aux souscripteurs américains de subprimes », plaide Jean-Michel Six, chef économiste pour l'Europe de l'agence Standard & Poor's. « Quant à réguler le crédit immobilier, pourquoi pas, à condition de rester prudent et mesuré, afin de ne pas empêcher les ménages modestes de devenir propriétaires. Le contrôle des prix est exclu, c'est l'offre et la demande qui doivent les déterminer », rappelle M. Six pour qui « la cause principale de l'augmentation des prix est la pénurie de logements ».
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