Le gouvernement chinois a fait observer de manière solennelle, mercredi 21 avril, une journée de deuil national en mémoire des victimes du séisme qui a frappé une préfecture tibétaine de la province du Qinghai, le 14 avril, tuant 2 183 personnes et en blessant plus de 12 000 autres. Dans la ville de Yushu et ses alentours, on compte encore quelque 175 disparus.
Drapeaux en berne, « une » des journaux en noir et blanc, images en direct à la télévision des neuf membres du Comité permanent du bureau politique du Parti communiste, la plus haute instance dirigeante du pays, respectant trois minutes de silence, interruption des télévisions câblées étrangères diffusant films et émissions de variété, fermeture des bars, cinémas et autre lieux de plaisirs nocturnes : la Chine a multiplié les gestes ostentatoires de son deuil.
« Yushu, votre souffrance est la nôtre, votre deuil est le nôtre », a déclaré une présentatrice de télévision où passaient en boucle les images de sauveteurs dégageant des rescapés des ruines, celles d'avions spéciaux ramenant dans les hôpitaux de Xining, la capitale provinciale, de vieilles Tibétaines ou de très jeunes enfants blessés durant la tragédie.
A Yushu, sur les lieux de la catastrophe où la majorité des bâtiments se sont écroulés le 14 avril au matin après une secousse de 6,9 degrés sur l'échelle de Richter, responsables locaux et sauveteurs se sont figés parmi les ruines. A Xining, sous la neige, des milliers de personnes ont incliné la tête sur fond sonore de sirènes et de klaxons de voitures.
La veille, la télévision centrale avait diffusé en direct une émission destinée à montrer à quel point les témoignages de compassion se sont multipliés ces derniers jours. Des entrepreneurs, des célébrités du monde du spectacle et des artistes ont défilé sur scène en brandissant sur des panneaux de couleur rouge les chiffres de leurs dons, interrompus par chants, danses et chorales exaltant la solidarité nationale envers les victimes. Plus de 200 millions d'euros ont été réunis ce soir-là.
Une telle mise en scène du deuil national n'est sans doute pas exempte d'arrière-pensées politiques. Le séisme a eu lieu dans une préfecture à majorité tibétaine d'une province qui jouxte la région autonome du Tibet. Après les émeutes de 2008 qui avaient eu lieu à Lhassa et dans des dizaines de villes et districts des zones de peuplement tibétain, les autorités ont tenu à montrer qu'elles faisaient tout pour soulager les souffrances d'une minorité ethnique turbulente.
A 4 000 m d'altitude
Le spécialiste du Tibet Robert Barnett, interrogé par Le Monde, décrit ainsi le rapport compliqué du régime chinois envers les Tibétains : « L'histoire des relations sino-tibétaines moderne est faite de cycles d'extrême générosité de la part des Chinois - du moins à leurs yeux - suivis par des tensions extrêmes à la moindre critique ou manque de gratitude [de la part des Tibétains]. »
Sur le terrain, les secouristes continuent d'affluer après des jours de retard dans les opérations de sauvetage que les autorités ont mis sur le compte de l'éloignement de cette région reculée et située aux alentours de 4 000 m d'altitude. Wei Guijun, un responsable de la puissante commission de la réforme et du développement, a déclaré aux journalistes que le gouvernement avait déjà envoyé l'équivalent de 55 millions d'euros en matériels et vivres dans les zones affectées. Les sauveteurs doivent travailler parfois sous la neige, dans un froid glacial, certains sont victimes du mal des montagnes.
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